L'histoire :
Franck Clavier est au chômage et il a vraiment besoin de travailler. Or dame nature a fait un autre choix. Un orage violent a grillé son téléphone et son ordinateur portable. Il va falloir qu'il patiente « de 2 à 10 jours » pour tout récupérer. Comment survivre si longtemps sans connexion ? Partout autour de lui, les gens utilisent en permanence ces outils qui permettent d'appeler, d'aller sur les réseaux sociaux, de photographier... Comment s'en sortir ? Le mieux serait de rester chez soi pour attendre l'appel du réparateur et récupérer ses « précieux ». C'est l'occasion de ressortir le téléphone fixe qui dormait dans un carton. Très vite, le manque se fait sentir, même en observant par sa propre fenêtre. Sans téléphone, pas de chronomètre pour faire cuir les œufs. Pour écrire à quelqu'un, comment trouver son adresse sans internet ? Le temps s'écoule différemment. « Et l'éternité, c'est long. Surtout au début ». Franck se sent égaré. Heureusement, l'horloge parlante est toujours là et donne toujours le bon horaire, à la seconde prêt. Nous sommes mercredi, 12h00 et c'est un jour particulier. Franck a un rendez-vous professionnel très important. Comment se réveiller sans son téléphone ? Comment prévenir qu'il va arriver en retard, puisque le numéro de téléphone est dans le portable ? Quelqu'un a t-il encore un bottin ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le dessinateur Sagar nous plonge d'emblée dans l'univers graphique qui sied au scénario d'Aurélie Herrou. Un crayonné noir fort présent et des teintes assez sombres. Cette ambiance dévoile une société toujours connectée, qui fait assez peu attention au monde physique qui l'entoure. Ainsi les passants vont et viennent avec des icônes au-dessus d'eux, qui représentent les réseaux sociaux, les mails, les jeux... Rares sont ceux qui restent seuls avec eux-mêmes. Cette représentation est très semblable à la réalité, surtout au sein des grandes villes. Voilà une façon très réaliste de montrer notre difficile condition sociale au XXIème siècle. Les gens connectés sont partout, que ce soit dans les transports en commun ou à table avec des connaissances. Comment faire, alors, quand on se retrouve déconnecté par la force des choses et non par choix ? Cette pensée dans l'air du temps interroge le lecteur. Pouvons-nous encore exister sans présence sur Insta, Facebook, Twitter ? Pouvons-nous juste être dans le monde réel sans numérique ? On ne compte pas les ouvrages de sociologie sur le sujet, ni les débats médiatiques. La réponse ne peut être catégorique. L'Homme s'adapterait-il aux nouvelles techniques pour mieux cacher son ressenti, son mal-être, sa souffrance ? Il existe des lieux où il faut laisser son téléphone à l'entrée pour échanger en harmonie avec les autres. Les nouvelles habitudes amènent toujours de l'innovation dans la non-pratique. Aurélie Herrou trouve une façon élégante d'interroger l'humain face à la modernité pour gérer sa solitude, sa détresse ou le besoin des autres. Le narrateur se raconte et passe par différentes phases à mesure que le temps passe. Son contre-héros est un curieux qui parle de musique, de peintures, de cinéma... Certaines représentations ne sont pas sans rappeler le roman-photo. Sa curiosité l'a poussé vers de nombreux chemin qui ont permis à la construction de son identité et de ses réflexions. Seul chez soi, sans ordinateur et sans téléphone, tout prend forcément une autre dimension. Entre philosophie et aliénation, chacun d'entre nous se retrouve dans des attitudes ou des usages. Chacun de nous est passé à un moment ou à un autre à une phase d'interrogations sur nous-mêmes, nos pratiques, nos actions pour changer les choses. Voilà une subtile catharsis par le 9ème art pour trouver le chemin de la rédemption, l'ignorer ou imaginer un juste milieu.
