L'histoire :
Ils sont (de nouveau) deux zigues, en train de grimper le long d’une échelle de corde infinie, venant d’on ne sait où, allant vers on ne sait où… mais une chose est sûre : ils évoluent à travers le cosmos. Le premier, un érudit shérif de la voie lactée, a semble t-il kidnappé le second, grincheux et contradicteur, qui se fait appeler Dédé d’Andromède, et qui le suit toutefois sans s’inquiéter. La finalité de leur démarche mérite visiblement la contrainte. Car leur expédition vise à décortiquer et comprendre l’univers. Pour commencer, Dédé, assuré par une corde élastique, se jette sur une énorme sphère noire qui laisse une trainée ardente derrière elle. Le shérif le rejoint. Ils en profitent pour faire un point sur leur localisation : leur carte cosmique les situe bien dans le super amas de la vierge, où l’échelle de mesure est la suivante : 1 cm = 100 million d’années-lumière…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La (piètre) notation qu’on peut accorder à un tel album n’a pas grand sens. Autant saquer un Picasso parce que le nez est mal fait et que l’explication peine à nous faire comprendre pourquoi il rentre de biais dans l’œil. Cette évaluation reflète surtout la propension du propos de Masse à s’adresser au plus large public possible… et force est de reconnaître que ce (Vue d’artiste) demeure particulièrement hermétique. C’est pourtant le premier album de Masse depuis 1987, et il se situe dans une veine similaire à son excellent et précédent Deux du balcon. Il s’agit cette fois d’aborder des sujets de la science physique et de l’astrophysique sous un axe pointilleux, sans s’affranchir d’une grosse dose d’humour potache et d’une avalanche de jeux de mots culottés. On sent bien que Masse, passionné par ce domaine de pointe depuis des années, maîtrise son sujet. Ici, il a eu l’idée géniale de vouloir jouer sur son interprétation artistique. A la fois subjective, présomptueuse et un peu saugrenue, sa démarche ambitionne en effet de donner des « vues d’artiste » à l’indicible. Ce cœur de sujet indicible est ici l’entendement de l’univers, sa création par le big-bang, ses modes d’emplois théoriques et sa décomposition quantique. Or, le biais de l’humour absurde est cette fois poussé dans des ultimes retranchements, souvent confus et saturé de remarques en apartés, à la limite de l’intelligible. Résultat : on a le sentiment singulier qu’il va nous expliquer Dieu, et l’instant d’après, il conclut finalement par une vanne digne de l’Almanach Vermot, accessible de lui seul (et de Dieu, évidemment). En 6 chapitres vraiment absconds, on n’a donc toujours pas pigé grand-chose à l’univers, mais on a vu de jolies couleurs, avec deux zigues qui s’ébattent en grimpant à l’échelle de corde, sur fond de toiles contemporaines. On papillonne donc en quête de lueurs de transmissions de savoir, un savoir beaucoup moins gai que pour le précédent Deux du balcon, ainé de 25 ans de ce présent ouvrage.
