L'histoire :
Dans un futur éloigné, à la suite d’une catastrophe, l’humanité vit désormais sous Terre, répartie sur quatre niveaux. Une organisation sociale extrêmement hiérarchisée, à la fois archaïque et prométhéenne, structure désormais la vie des hommes. Ou du moins ce qu’il en reste, car ces derniers sont transformés plus ou moins en cyborgs afin de s’adapter à de difficiles conditions d’existence. A Janis, la tentaculaire capitale du dernier niveau, une équipe d’intervention surarmée est à la recherche d’une femme – E.V.A. – réputée dangereuse. Elle tente de s’introduire par la force au niveau supérieur. Ce qui est strictement interdit ! En cette époque, la campagne électorale pour la réélection du maire – une jeune femme à la fois séduisante et rassurante – bat son plein. Lors de son ascension, E.V.A. va trouver une alliée dans la figure de Lavinia, une redoutable terroriste, très populaire auprès de la population opprimée de Janis. Elle croise la route de l’équipier de cette dernière, Nachzehrer, un « vampire », qui ne se révèlera n’être rien d’autre qu’un homme de la surface ayant subi une terrible transformation physique. Mais, aussi une vielle connaissance, son ancien amant Luka, l’un des meilleurs « samouraïs », mercenaire d’élite au service du pouvoir et engagé par un autre personnage énigmatique et puissant, dénommé Numéro 1. Il devient alors évident que tout un ensemble d’éléments échappe à E.V.A., qui va devoir affronter une terrible révélation, questionnant la nature de son être et la véracité même de la réalité. Mensonges, manipulations, faux-semblants seront finalement les obstacles qu’E.V.A. devra affronter lors de cet ultime acte de rébellion.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Marco Turini (Squadron Suprem, Robotech, Lady Death) est d’origine italienne et il a commencé sa carrière avec des productions érotiques (Ménages à trois, Dildo). Le moins que l’on puisse dire, c’est que ses débuts ont laissé des traces dans sa façon de mettre en scène le corps féminin. Pour certains, cette marque de fabrique semblera déplacée, en particulier en ce qui concerne une étrange scène de torture, qui donne une légère coloration série Z à cet album, alors qu’elle fait complétement sens quand le maire de Janis tente de séduire ses potentiels électeurs. Pour compléter ce propos, il faut noter que le corps masculin est aussi représenté dans toute sa crudité, néanmoins sans être érotisé. E.V.A., chronique de l’inframonde débute in medias res et nous confronte à une impossible ascension qui se veut parfois insaisissable pour le lecteur, tant le récit de Marco Turini peut se révéler décousu et confus. Cela est dû notamment a une accumulation de personnages tous plus ou moins étranges et qui, pour un certain nombre d’entre eux, se connaissent déjà. Ou encore, en raison d’informations pour comprendre leurs motivations et leurs personnalités transmises avec parcimonie, quand elles ne sont pas tout simplement oblitérées par l’auteur… Ainsi, il est difficile de s’attacher aux personnages, et la pleine perception de la totalité de l’intensité tragique que ce récit semble vouloir susciter n’est pas vraiment de la partie. De plus, Turini empile les thématiques (ingénierie sociale, transhumanisme, religion, identité, conspiration, métaphysique, etc.) ce qui a pour effet de transmettre de la profondeur au récit, tout en le rendant encore plus opaque. Ce sentiment est encore renforcé par l’enchaînement des scènes qui manquent parfois de contextualisation. Finalement, le lecteur semble être invité à se perdre lors de la lecture, au même titre que les personnages dans l’action. Il n’en demeure pas moins que cette histoire aurait gagné à s’étendre sur plus de pages afin de gagner en clarté. E.V.A., chronique de l’inframonde fait partie de ces œuvres qui ne feront pas l’unanimité à cause de cette narration en demi-teinte. Mais, visuellement c’est une belle réussite. Turini propose un beau travail en aquarelle où dominent des teintes bleutés et verdâtres. Cet album n’est pas sans rappeler la grande époque de Métal Hurlant, avec ses personnages impressionnants, en particulier le Nachzehrer. Marco Turini a un vrai talent pour peindre cet univers désincarné, froid, à la logique qui nous échappe. Un mot sur l’édition de Graph Zeppelin qui est de qualité et augmentée de très belles illustrations en fin de volume.