L'histoire :
Un enfant noir pose devant un mur criblé de trous de balles. Malgré son regard innocent, il tient en mains une kalachnikov plus grosse que lui. Une ombre chinoise se dessine au-dessus de sa tête représentant un odieux marionnettiste…
Les visages de quatre jeunes femmes soumises et inquiètes tendent leurs langues vers le point convergeant d’un bas-ventre masculin. Mais au lieu du traditionnel sexe en érection, se trouve un téléphone portable branché sur Instagram®.
Les sexes sont souvent détournés autour de symboles chez Luis Quiles : les sexes masculins se transforment en requins, ou en tête de la créature du film Alien ; le sexe féminin est quant à lui une tête de la créature du film Predator.
Devant le drapeau américain, se trouve des « natives » peaux rouges : l’homme est habillé en astronaute, il tient une Holy Bible et arbore les logos commerciaux de célèbres réseaux sociaux ; la femme est nue, porte des oreilles de Mickey, un tatouage MacDo®, un téléphone dans la main et porte son enfant dans un bandeau Nike® en bandoulière…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La couverture est relativement explicite quant au contenu… et néanmoins, ce recueil de dessins sulfureux signés Luis Quiles bénéficie d’un prologue (de Leandro Taub) et de trois préfaces (d’Aspasia Segunda, Josep Busqet et Luis Quiles lui-même). Ce qui donne une idée de la nécessité de préciser le registre des intentions et de désamorcer le contenu. Via ces avertissements, Quiles et ses homologues définissent leur moteur artistique comme nécessairement provocateur. La norme suscite l’ennui et n’a aucun intérêt ; il n’y a que dans le choc provoqué par la représentation dérangeante, ou politiquement incorrecte, que se trouve le progrès, la cogitation. Et puisque Quiles n’éprouve aucun plaisir à dessiner les hommes et que tout est toujours sexuel dans la psyché humaine, la femme nue et ses parties génitales seront souvent son terrain d’expression. Cependant, Quiles n’est pas gratuitement voyeur. A travers ses inspirations, il fait systématiquement acte politique. Tour à tour, il dénonce le patriarcat, la religion, le diktat des marques, l’esclavage sexuel, les réseaux sociaux… et néanmoins, 250 000 fans le suivent sur Facebook® ! Il dénonce encore la censure, la femme objet, les masses-média, la perte des idéaux et – conviction aussi paradoxale que suprême – la pornographie ! Il abhorre le totalitarisme, Berlusconi, la consommation comme religion… et il trouve toujours le biais explicite le plus choquant – et sexuel – pour vous faire réfléchir sur ces sujets. Car son dessin, la plupart du temps cadré sur des sujets qui posent, se révèle particulièrement besogné, colorié et rendu, à la frontière d’un ultra-réalisme inévitablement dérangeant. Quelque part entre Choron et Asaf Hanuka, Quiles se place dans une mouvance à la fois punk, anarchiste, sans tabou… et c’est pourtant édité chez Graph Zeppelin.