L'histoire :
Quelques semaines avant sa mort (en février 2023), à l’âge de 90 ans, Robert Hébras visitait encore avec sa petite fille sa citée d'enfance d’Oradour-sur-Glane, laissée en ruine depuis 80 ans, dans une optique mémorielle. Le 10 juin 1944, lorsque la petite ville a subi le massacre gratuit et radical de la part d’une troupe de SS allemands, il avait 18 ans… et il fut l’un des rares à s’en être sorti vivant, avec bien des fantômes qui l’ont accompagné toute sa vie. Robert était arrivé dans cette petite ville banlieue de Limoge à l’âge de 10 ans. Son père était monteur électricien sur l’incroyable réseau de tramway qui avait été tissé autour de la capitale du Limousin. Oradour comptait alors 1500 habitants, avec des commerçants, des marchés, des foires. Robert avait deux grandes sœurs et une plus petite, des parents qui travaillaient beaucoup. Et puis en 1939, les affiches de la mobilisation générale avaient été placardées. La France entrait en guerre contre l’Allemagne nazie. Le père de Robert prit un job en plus du sien, car l’inflation galopait : il livrait les télégrammes dès qu’ils arrivaient, quelle que soit l’heure. Robert, lui, se formait à devenir mécanicien. La famille allait traverser la guerre en faisant le dos rond, dans un patelin plutôt tranquille qui appartenait encore à la zone libre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le 10 juin 2024, ce sera la commémoration des 80 ans du massacre d’Oradour-sur-Glane. Etant donné qu’aucune bande dessinée n’avait jamais été pleinement dédiée à ce sinistre évènement, ce sont pas moins de 3 albums qui paraissent concomitamment ! Rappelons les faits, ahurissants d’ignominie : à la fin de la seconde guerre mondiale, les habitants de cette petite ville située dans la banlieue de Limoge furent radicalement massacrés par une troupe de SS qui se repliait, comme une mesure de représailles au débarquement allié en Normandie. Comme l’indique son titre, cet album petit format édité par Harper Collins et scénarisé par Arnaud Delalande propose de raconter la chose par un prisme tout à fait honnête : ce sera une biographie du dernier survivant du massacre, Robert Hébras, décédé en février 2023. L'œuvre est adoubée et portée par sa famille (sa petite fille Agathe, qui signe la préface et figure dans l'album). Le vieil homme commence par raconter à la première personne et au présent sa vie et sa famille avant 1944, à travers des séquences en flashback. Un solide travail de documentation est retranscrit visuellement à travers le dessin toujours académique, mais très sérieux, de Laurent Bidot. Puis en pierre angulaire centrale, Robert Hébras raconte évidemment l’évènement tel qu’il l’a vu et vécu, sans occulter la barbarie, mais sans céder non plus au voyeurisme. Les faits, rien que les faits. On a beau s’y attendre, on reste saisi d’effroi. Il y a largement de quoi relativiser sur la nature humaine. Puis enfin, sur une troisième partie, on assiste aux deuils, à l’enquête, aux procès, à la reconstruction psychologique… Il faut toujours continuer à vivre, pour honorer les disparus et transmettre la Mémoire, ce que fait fort bien cet album idéalement factuel.
