L'histoire :
Comme le disait Albert Muddah, la première fois qu’il entendit parler d’Auguste Derriere, il crut à un canular. Ou du cochon. Il ne sait plus. Ce qui est certain, c’est qu’Auguste Derriere naquit à Bordeaux, fruit de l’union de Juste Derrière et de Prudence Saglysse. Le 29 février 1892, sentant l’arrivée imminente du petit, Juste prit les devants et retira avec délicatesse le jeune Derrière de dedans. Il le prénommèrent Auguste, le destinant ainsi à un avenir prometteur : il serait un grand Derrière. Très tôt, il montra un esprit vif et une solide culture classique. À quatre ans, lorsque sa mère lui demanda qui était sous la douche, il répondit sans hésiter : « Si y s'nettoie, c’est donc mon frère. » Cette vivacité d’esprit le mena à Paris où, après quelques errances parmi les peintres, il troqua les pinceaux contre l’affiche et ouvrit son atelier sur les collines de Montmartre. Un jour, une jeune femme franchit sa porte, attirée par une affiche vantant l’Habit Talheir. Elle était venue chercher son frère. Auguste apprit ainsi qu’il avait une sœur cachée, Prunelle de mes yeux. Demi-sœur jumelle, fruit d’un amour fugace entre leur mère et un vendeur de monocles américains. Il fallait bien ça pour leur ouvrir les yeux sur leur destinée commune.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Attention, pépite à l’horizon ! Si vous aimez les jeux de mots sous toutes leurs formes – fins ou tirés par les cheveux, subtils ou carrément foireux comme des pets – Les pieuvres ont le vent en poulpes est fait pour vous. Dernière production du duo Auguste Derrière et Prunelle de Mézieux, ce livre est une expérience à part. Ni tout à fait bande dessinée, ni tout à fait recueil littéraire, il se situe quelque part entre l’affiche rétro et la réclame d’un vieux journal des années 30. Son esthétique oscille entre gravures, dessins art déco et photos d’époque, renforçant un ton délicieusement suranné. Et alors, les jeux de mots ! Un feu d’artifice quasi ininterrompu. Un florilège qui ferait passer l'almanach Vermot pour un petit joueur. De la pub absurde (« Qui veut voyager loin, de super fait le plein ») aux marques fictives hilarantes (« Le petit pois LOKU »), en passant par des aphorismes dignes d’un Raymond Devos de la grande époque (« J’ai divorcé dans le Sud, j’ai une ex en Provence »), tout y passe. C’est à la fois intelligent et totalement gratuit, et c’est bien ce qui fait son charme. Auguste Derrière nous avait déjà régalés avec Les fourmis n’aiment pas le flamenco et Prunelle De Mézieux avec Les consonnes, toujours deux fois. Mais ici, le duo offre un festival de calembours jubilatoires. Ça se picore à l’envi, déclenchant fous rires et soupirs admiratifs devant tant d’inventivité linguistique.