L'histoire :
En 1917, la jeune Ada vit avec son père et son chien, dans une chaumière perdue au fin fond de l’Autriche. Elle passe le plus clair de ses journées à ramasser du bois ou faire cuire la marmite, invectivée sans cesse par ce père râleur et autoritaire qui reporte sur elle absolument toutes ses petites frustrations de la vie ordinaire. D’ailleurs, sa mère l’a bien compris, car elle s’est échappée de cet enfer, un jour, en laissant un courrier explicite : « Je te laisse cette maison et je te laisse la tâche de t’occuper d’Ada. Ne me cherche pas, je pars très loin de Vienne et ne serai pas seule ». De fait, la vie d’Ada est un enfer. Elle trouve un maigre échappatoire lorsqu’elle s’isole dans un cabanon perdu dans la forêt pour dessiner. Et elle correspond avec un mystérieux peintre qu’elle appelle « E », par courriers et fioles de pigments interposés et déposés dans un vieux tuyau inutilisé. Ada caresse le doux espoir de se réaliser à travers la peinture. Elle tente pour cela de rejoindre « E » et ses amis artistes à Vienne…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Ada, on se plonge dans une histoire simple, proche de Cendrillon ou de Vipère au poing, s’agissant de l'environnement domestique tyrannique. Nous sommes ici en Autriche, en 1917. Si l’année est importante, car elle situe le propos dans le contexte de la mouvance artistique viennoise de l’Art nouveau (Gustav Klimt, Egon Schiele…), le décor forestier et l’ambiance obscurantistes sont plus convenus. Ils pourraient être ceux des contes de Perrault (Petit Poucet et consort) : une épaisse forêt dans laquelle le brouillard lugubre est le plus agréable des compagnons, étant donné que le père d’Ada est un tyran infect et abominable, dont il va s’agir de s’extraire. Sur le plan du biotope, le traitement graphique de l’autrice italienne Barbara Baldi fait toute la plus-value de ce roman graphique. La narration est essentiellement visuelle, avec peu de texte au sein de longues séquences de paysages et d’atmosphères sinistres, lyriques, d’un calme absolu et mortel, dans des cases géantes. Rarement les sentiments de solitude et d’abandon auront été aussi bien rendus. De fait, les 110 pages de ce roman graphique se tournent très vite, ce qui n’empêche pas de faire des pauses pour apprécier le talent infographique de l’italienne, qui joue avec les brosses et les textures pour composer une œuvre autant picturale que séquentielle. Barbara Baldi fait là un hommage époustouflant à un registre artistique dont elle maîtrise parfaitement le périmètre. Evidemment, vu le sujet, tout se termine mal, mais tout se termine bien quand même.