L'histoire :
Lord Urquart, noble anglais né dans les indes britanniques, viole l'enceinte d'un temple sacré des montagnes himalayennes et s'empare du livre des démons primordiaux, les Rakshassas, afin d'hériter de leurs pouvoirs. Le rituel lui échappe cependant et ces derniers – l'obscurité, la douleur, la haine et la folie – sont libérés, déclenchant la destruction du monde. Le Pendit Urdit Gopal, membre de la secte des anciens, se joue néanmoins de trois humains maudits, mi-homme mi-démon, afin d'essayer de renverser l'inévitable... Son marché de dupes portera t-il néanmoins ses fruits ? Pas sûr, car ces trois êtres singuliers, deux femmes et un homme, aux pouvoirs et caractères bien distincts, devront d'abord apprendre à se connaître et à se respecter...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ces histoires, issues de la revue argentine Lanciostory de 2005, sortent comme qui dirait « de nulle part » pour le lecteur français amateur de séries classiques. Tout du moins pouvons-nous retrouver dans le trait précis et raffiné d'Alcatena des réminiscences du maestro italien Toppi, et cette indication devrait suffire à elle seule à motiver n'importe quel aficionados de belles planches noires et blanches ciselées. On sait la propension des artistes espagnols, italiens ou argentins à nous décontenancer avec un style graphique souvent issu des mêmes traditions. Le fait que cet album mette en exergue la culture des anciennes colonies britanniques indiennes, par le biais d'hommages savamment insérés au long des « travaux » de nos trois anti-héros démultiplie sa force. Car enfin, il fallait les dessiner, ces temples ornés de milliers de détails, de bas-reliefs, ces vues de l'Inde ancestrale, ces démons enflammés, habités par toute une faune... Alcatena déploie tout son talent sur des planches magnifiques, parfois psychédéliques (comment pourrait-il en être autrement, avec un être maudit jouant du cythare ?) nous faisant saliver à l'idée que de nombreuses autres de ses œuvres, toutes aussi exaltantes, attendent encore une traduction (on pense entre autre au démentiel Acero Liquido). Eduardo Mazzitelli, quant à lui, brille par le développement et le rythme qu'il impose à son histoire. Divisée en sept chapitres, dont quatre consacrés aux démons primordiaux, celle-ci réussit à nous entraîner comme par magie, alors qu'il n'était pas évident que les codes et traditions liés aux cultures indouiste et bouddhiste le permettent. L'auteur joue de l'humour, autant que du fantastique et de l'action, pour nous tenir en haleine, tout en déroulant de nombreuses références historiques et mythologiques. Une aubaine, pour un superbe album tenant toutes ses promesses.