L'histoire :
Yann Madé est un quinqua qui s’assume (enfin ! dira-t-on). N’est-ce pas la difficulté de tous les mecs arrivés à la cinquantaine ? Avec Microsillons, qui raconte finalement sa vie, il nous embarque dans le sillon de ses relations avec la musique, l’art, les femmes, la danse, tout au long des années 1970 à 2010, en suivant les sorties discographiques de la période. Il est d’abord influencé par les « Alphas » du lycée, puis par ses copines et enfin par ses découvertes « fortuites », jusqu’à sa découverte de la danse comme thérapie ultime...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Là où l’on aurait pu attendre une redite d’un Petit livre rock d’Hervé Bourhis ou un Locke Groove (JC Menu), on est surpris de découvrir l’univers graphique assez personnel (surtout vers la fin) de Yann Madé, avec ses aplats de gris très contemporain. Cet auteur est connu depuis 2013 et Encore raté, aux éditions VolcanAmadeus, la structure qu’il a lui-même monté pour ses animations socioculturelles. Madé a aussi tâté du fanzine avec Kérosène, le zarmagazine, et cela se ressent dans sa manière de jouer du noir et de blanc et de l’autobio auto-parodique. Mais pas que. Car Madé est capable d’une analyse pertinente et émouvante sur sa difficile relation avec la gente féminine qui, d’après lui, « lui est resté dedans » – si l’on souhaite, comme il le fait tout au long de son parcours, paraphraser un groupe qu’il a écouté et qui est même représenté dès les premières pages (Téléphone). C’est finalement la plus grande surprise de cet album : cette analyse bienvenue d’une auto-critique du « genre alpha blanc quinqua moyen », un peu macho sur les bords, et qui reproduit malgré lui des réflexes acquis au fil des années. Jusqu’au jour où, devenu papa d’une fille (et de deux garçons), le déclic se fait. C’est l’occasion aussi de revisiter une quarantaine d’années en musique, sous l’angle très personnel d’une discographie pas « idéale » mais sincère, très variable et élargie à un peu tous les genres. Celle-ci représente finalement la vraie richesse d’un auteur qui a su s’interroger, grâce à un questionnement très humain, sur sa place au sein d’un monde fait de beaucoup d’injustices et de clichés. On sera certainement davantage touché par cette franchise et cette faculté si on a l’âge approximatif de l’auteur. Si sa narration est un peu casse-gueule parfois, parce que jonglant avec des répétitions et usant d’un exercice de style dangereux, elle se rattrape et finit par retrouver son équilibre grâce à la thématique de la danse, que Yann Madé a fini par découvrir et adorer. Microsillons aurait très bien pu s’appeler Micro Dancing, tant on ressent le besoin, nous aussi, de faire quelques pas de côté avec cet auteur touchant. Original, graphiquement très sympathique, et bien foutu.