L'histoire :
De nos jours, de nuit, dans un cimetière, cinq morts sont sortis de leur tombe pour souhaiter bonne chance à Esmée. Cette jeune fille aristocrate, morte au XVIIIème siècle au moment de la révolution française, s’apprête en effet à passer quelques journées à notre époque. Elle s’est dévouée pour accomplir une mission. Car depuis quelques temps, ces morts reçoivent des messages parasites venus du XXIème siècle, qui perturbent leur petite vie sociale de fantômes. Il s’agit pour Esmée d’enquêter et de résoudre ce problème, en se faisant passer pour une adolescente lambda… ce qui n’est pas gagné ! Car Esmée se présente au collège Simone Veil comme une nouvelle élève, et elle intègre sa classe avec une robe à crinoline, un corset orné de délicats nœuds noirs et une perruque blanche. Pour écrire, elle déballe de son sac une plume et un encrier ! Les autres élèves se demandent ce que c’est que cet alien ?! Trois filles, Nour, Lina et Roxanne, tentent de sympathiser d’emblée en lui claquant la bise – quelle drôle de coutume ! Esmée est surprise par l’emploi du tutoiement et par le langage direct. Les filles la prennent pour une meuf coincée qui débarque sans doute, genre, de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le midi, deux garçons lui expliquent le self, à la cantine. Ça alors, les filles et les garçons peuvent s’asseoir à la même table ? Le soir venu, elle retourne au cimetière afin d’y faire son premier rapport à ses camarades fantômes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le choc culturel, entre une aristo bien élevée du XVIIIème et nos adolescents ultra connectés / décomplexés d’aujourd’hui, compose le propos central de cette nouvelle série jeunesse estampillée Miss Jungle. Avec sa robe à crinoline et sa perruque, Esmée dénote quelque peu dans le collège où elle débarque… comme par enchantement. Les autrices ne prennent en effet pas la peine de détailler ni le procédé ésotérique par lequel Esmée – morte depuis plus de deux siècles – réapparaît en chair et en os, ni la procédure administrative d’inscription au sein d’un collège – dans la réalité, il faut s’y prendre quelques mois à l’avance et fournir 3 tonnes de papelards qui prouvent l’identité et les droits. Passons, ce n’est pas la seule facilité narrative du scénario de Christine Naumann-Villemin. Cette histoire de messages parasites venus du futur pour perturber les morts est avant tout un prétexte pour immerger une aristo chez les ados thug life de 2020. Il permet ainsi de jouer avec les ressorts de l’anachronisme (oh un portrait réalisé de manière extrêmement détaillé en une seconde à l’aide d’un appareil plat rectangulaire !) et écorner au passage les comportements agaçants des ados de la génération Z (écouteurs vissés à l’oreille, indiscrétions sur les réseaux), voire le gap social parcouru depuis deux siècles (classe moyenne unique, familles nucléaires…). Au final, ce premier tome s’avère ainsi plutôt délassant et agréablement dessiné par Maëlle Schaller, dans un style adapté au lectorat. Il est bien entendu à réserver aux djeunz qui ne considèrent pas encore la bande dessinée comme un truc de boloss.