L'histoire :
Un représentant de commerce roule à bord de sa voiture sur une route de campagne, de nuit, tout en chantant à tue-tête du Bashung. Soudain, à la lisière d’un bois, il accepte de prendre à son bord une auto-stoppeuse. Sans lui, la pauvrette n’avait aucune chance d’être embarquée par quiconque, dans ce coin paumé ! Il déroule son discours habituel de gros dragueur. Mais la demoiselle ne répond pas. Elle reste muette avec les yeux hagards, le regard fixe devant elle. Le chauffeur la prend pour une étrangère, voire une malpolie. Voire les deux. Elle finit par lui indiquer un point précis de son index… Le chauffeur en conclut qu’elle veut qu’il la relâche là, sur ce bas-côté tout aussi paumé que celui où il l’avait embarquée. Ce qu’il fait sans hésiter, il est content de se débarrasser de cette ingrate dépourvue d'intérêt. Il repart seul… ou du moins le croit-il. Car il est rapidement gêné par une forte puanteur provenant de l'habitacle. Il regarde dans son rétroviseur. Il est alors terrorisé par ce qu’il aperçoit sur la banquette arrière. Il pousse un cri de terreur et fait une embardée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Seule l’ombre s’inscrit dans la grande tradition des recueils d’histoires d’épouvante, comme les ont initiés Edgar Poe ou Guy de Maupassant et les ont magnifiés Stephen King, Creepshow ou Les contes de la crypte. L’idée originale d’un tel recueil « à la française » vient ici de Rurik Sallé, qui coscénarise l'album. Paskal Millet dessine dans une veine semi-réaliste fortement encrée l’intégralité de ces 10 historiettes se déroulant dans notre bonne vieille métropole, afin d’en accroître la proximité réaliste. Mais le duo s’est surtout appuyé sur un cador de la narration, l’ultra-prolifique Corbeyran, qui sait faire monter le suspens, générer la tension et installer la menace. Surtout celle qui apparait ex nihilo dans votre dos, la nuit, et que vous remarquez au dernier moment, quand c’est trop tard, dans un miroir. Certes, les lecteurs rompus aux contes horrifiques ne seront guère surpris. Ils connaissent un peu toutes les ficelles, qu’elles appartiennent à un registre fantastique ou cartésien, et les classiques du genre (Le passager résumé ci-dessus en est un). Les historiettes sont du reste trop courtes pour permettre de distiller les fausses pistes… mais pas pour installer les ambiances glauques, qui sauront vous envelopper pour susciter le frisson. Notamment les fonds de pages noires, les hectolitres d’encre de Chine qui ont dû être nécessaires, la tronche des monstres vraiment inquiétants, les rictus démoniaques, les regards nicholsoniens avec les pupilles collées aux sourcils froncés... Oh attention, là, derrière vous !
