L'histoire :
Asa quitte le foyer pour rejoindre une école d'art. Le début d'une nouvelle vie, celle d'une jeune adulte en quête de confiance et d'estime de soi. Là-bas, un garçon attire son attention : il s'agit de Nils, étudiant le plus apprécié de l'école. Il est beau, cool, charme même les professeurs, les autres gars et bien sûr toutes les filles. Or Nils a choisi Asa, elle qui est immédiatement tombée sous son charme. Asa ne « s'était jamais sentie aussi heureuse, seulement dans ses rêves », d'autant plus qu'il lui disait tout ce qu'elle voulait entendre. Mais très vite, leur relation se transforme en cauchemar. Cyclotomique, jaloux maladif, il ne supporte pas les tatouages d'Asa, son attitude, ses regards. Sans motif apparent, il se met en colère et lui reproche des choses étranges : fermer les yeux lorsqu'il l'embrasse, ne pas lui prêter assez attention. Il va jusqu'à la traiter de « pute » régulièrement, avant de la battre... Angoisses, honte, culpabilité, insultes, humiliations, Asa subit un tourbillon de sentiments sans savoir quoi faire pour s'en sortir... Stratège, elle va alors tenter de s'adapter en devenant ce qu'il veut qu'elle soit, pour éviter ses colères névrotiques...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Parrainée par Amnesty International, la BD d'Asa Grennvall 7e étage se présente comme une autobiographie en forme de journal intime, avec pour sujet les violences conjugales infligées aux femmes. On aurait pu avoir un livre qui enfile les clichés bien-pensants et sombre dans la sensiblerie. Or, contre toute attente, la BD est une belle réussite, d'autant plus que le sujet semble difficile à traiter sans verser dans l'exposé moralisateur. L'auteure suédoise prend le lecteur à témoin et lui expose frontalement les faits en allant très rapidement à l'essentiel. Sans trop insister, elle décrit la violence – verbale, morale puis physique – analyse les mécanismes psychologiques de déconstruction de l'identité sur un rythme intense et crescendo. Résultat : l'attitude irrationnelle de ce Nils jaloux, possessif, au comportement névrotique, finit par glacer, tandis qu'on se trouve impuissant face à l'horreur vécue par Asa, enfermée dans une prison mentale. Plutôt que de filer (ah, l'amour qui rend aveugle !), Asa cherche par tous les moyens à s'adapter en pesant les mots, en mesurant sa respiration, en coupant avec ses attaches. Ironie de l'histoire, Asa est pourtant très lucide sur la situation en anticipant la réaction du lecteur (pourquoi ne le quitte-t-elle pas ???). On assiste donc à la lente prise de conscience de cette femme battue, angoissée, mais courageuse. La grande réussite du livre étant de parvenir à communiquer avec une justesse stupéfiante les ressentis et émotions de son auteure. L'autre étant d'avoir su trouver la bonne distance entre empathie et analyse. Seule faiblesse, le trait minimaliste et naïf qui, s'il n'enchante guère, guide le propos avec efficacité. Bref, une histoire sobre et dure, qui remplit parfaitement sa fonction : celle d'alerter sur une réalité presque ordinaire et silencieuse, d'autant plus violente qu'elle est tue et cachée. Une bonne surprise !