L'histoire :
Sonia, jeune italienne, revient de ses vacances en Crête. Dans le port de Patras, elle fait la rencontre des « Kurden People », ces émigrés qui fuient les persécutions subies dans « leur pays », le Kurdistan, morcelé entre plusieurs États et recoupant les terres de l'ancienne Mésopotamie (Turquie, Irak, Iran, Syrie, Arménie, Géorgie). Un million de Kurdes en Europe, quarante millions de personnes sans Etat, persécutées sur leurs terres, privées du droit d'exister. Certains fuient les montagnes, errent en Europe avant d’atterrir dans le port de Venise. Leur voyage, clandestin et tragique, s'achève parfois sur le parking abandonné d'une station service ou une plage désertée. Des hommes ivres, des bagarres, des rapines, des agressions, les containers, les codes à respecter : il est avant tout question de survie lorsqu'on a tout quitté, quand on a fui pauvreté et violences. Pour mieux comprendre l'Histoire de ce peuple opprimé, Sonia décide de faire le chemin en sens inverse. Une plongée dans l'Histoire et le présent de ce peuple étranger en tout lieu...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Kurden People est à la fois le récit d'une errance et une tentative pour mieux comprendre l'identité d'une nation sans État, contrainte à l'exil car étrangère partout. L'italienne Marina Girardi, à l'appui de données historiques, géopolitiques et d'impressions personnelles entrecoupées de paraboles mythologiques, réussit à cerner les problématiques de ce peuple : clandestinité, exil forcé, persécutions, passé trouble. L'auteure y projette un regard à la fois sensible et distant, manière d'aborder le plus sereinement possible la complexité d'une Histoire douloureuse, celle d'un peuple forcé à l'exil, étranger où qu'il soit, parfait bouc-émissaire de maux choisis. Mais quand ils croient trouver la liberté ailleurs, en Europe de l'Ouest par exemple, celle-ci se refuse à eux, leur échappe sans cesse. La part de rêve et d'espoir en un avenir meilleur s'écrase alors sur un bitume sans âme, au détour d'un port ou d'un parking désaffecté. Ce n'est plus alors le rejet ou la négation d'une culture à l’œuvre, mais bien l'indifférence qui s'empare de ces réfugiés. Graphiquement, l'auteure s'affranchit souvent des cases pour mieux laisser s'exprimer la quête de liberté ou souligner l'errance contrainte. Précis d'histoire contemporaine, jamais ronflant, mais clair et didactique, expérience sensible mêlant grande et petite histoire, état des lieux sur l'immigration clandestine, Kurden People éclaire sans artifice le regard du lecteur sur une réalité volontairement ignorée ou occultée.