L'histoire :
Un homme-poulet est enfermé dans un hangar de Turbo Village, parmi des milliers d’autres comme lui. Il attend son sort : soit un élégant costume pour être convoyé jusqu’aux supermarchés Ouimégamax ; soit un pull camionneur et un jean pour être destiné à l’enseigne Toubaprix. Son heure arrive : un gardien l’emmène dans un vestiaire, où on l’habille, on le mesure et on l’installe dans une salle d’attente. Cependant, cet homme-poulet a des envies de liberté. Il profite d’une porte entrouverte et d’un moment de solitude pour s’échapper. Il traverse un hangar et se retrouve dans le salon des fermiers. Dans le frigo, il trouve tous les éléments pour se confectionner un bon Bloody Mary. Il s’installe confortablement dans un fauteuil et allume la télé. Il sirote sa boisson devant une émission sur la pleine conscience. A son terme, un reportage sur l’industrie du poulet le bouleverse. On y voit comment on tue, puis on décapite, puis on éviscère les poulets… L’homme poulet prend conscience de son destin. Il se déshabille, écrit une lettre d’adieux, se badigeonne d’huile et il s’enfourne lui-même dans le four des fermiers, allongé sur le dos avec les pattes en l’air ! Hélas, le four est en panne. Alors le poulet se rhabille et se sauve à travers la nature, jusqu’à rejoindre une grande ville…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ces rafraîchissantes Tribulations d’un tendre poulet sont aussi métaphoriques qu’absurdes, mais elles se révèlent néanmoins fort sensées. Ici, un personnage mi-homme mi-poulet sans nom s’extrait de son funeste parcours industriel et il découvre le monde extérieur (c’est la base de la caverne de Platon). Son parcours initiatique ponctué de rencontres et d’expériences enrichissantes offre alors au lecteur l’opportunité de réfléchir à sa propre condition, qu’il mettra en parallèle de la triste destinée d’un poulet : finir rôti au milieu des patates le dimanche midi. Au scénario et au dessin, Vincent Bergier nous confronte à divers sujets de société cohérents avec sa base originale : le consumérisme, l’anti-spécisme, la dictature de la technologie, la numérisation du monde, la vanité artistique, la croissance économique sans fin, la tentation du révisionnisme, le sectarisme… C’est riche ! Majoritairement complété d’aplats bichromiques, le dessin est certes basique, mais très lisible, quoique d’accès plutôt adulte (il y a quelques scènes hot). C’est intelligent, assez bien vu, totalement déluré, sans jamais être ni agressif, ni donneur de leçon. Une « dystopie funky et déjantée », comme l’indique la 4ème de couv. Qui n’empêche pas d’apprécier le poulet rôti.