L'histoire :
Comment Thomas a-t-il fait son compte pour se retrouver ainsi au fond du trou ? Il se réveille un matin et il a encore l’impression d’être dans son cauchemar. Il essaie de se souvenir : la pesanteur de la levée quotidienne, à des fins professionnelles… Le tramway loupé, comme à chaque fois… Cette fille, dont le bonheur ostentatoire, trop revendiqué, insulte presque sa condition angoissée. Tandis que le tramway l’emmène vers un quotidien guère aguichant, il fait un petit somme et l’imagine la tête fracassée par un pot de fleur. A l’arrivée, elle est encore là, radieuse, elle obstrue son morne panorama de son bonheur. Pourvu qu’elle crève. Quelques pas plus tard, Thomas assiste à une scène totalement improbable : la fille vient de se prendre un pot de fleur sur le crane ! Affolé, il se sauve et angoisse encore plus ! « Heureusement », au boulot, son chef le ramène à la réalité, lui faisant remarquer son retard, comme chaque matin. Thomas ne résiste pas, il balance son café à la face du boss. Il n’est plus à ça près. Puis il quitte la boîte, calmement, et déambule en ville, perdu et soulagé. Il fête ça en s’accoudant au zinc d’un bistrot…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour la première fois auteur de BD – et auteur complet – Emmanuel Olivier livre une introspection anxieuse, qui adopte tout au long de ce one-shot un rythme lénifiant et néanmoins oppressant. Stress du job, stress du couple, stress de la vie urbaine et moderne… Une ambiance pesante s’installe, renforcée par le regard perdu et les silences tourmentés du personnage. A cet anéantissement social, se couple une dimension onirique à la fois salvatrice et perverse. Lequel est le rêve, lequel est la réalité ? Emmanuel Olivier se complet à brouiller les cartes. Apparemment, ce jeune artiste issu de la génération « de la crise », angoisse pour de bon face à la vie professionnelle et cet album lui sert d’exutoire. Une fin couplée au moyen, en quelques sortes. Il montre pourtant des prédispositions très encourageantes pour poursuivre dans le métier (ingrat). Certes, il s’agit ici d’un premier album, par définition perfectible, mais son savoir-faire opère et le style, moderne, séduit. Par moment, notamment sur certains détails réalistes, le dessin frise l’amateurisme (les verres, les voitures, le macro-plan sur la tronche du boss p.26). En revanche, la gestion du découpage, des cadrages, les « masses » en noirs et blancs, l’enchaînement très cinématographique des séquences, sont nettement mieux maîtrisés. On s‘accroche avec le personnage, comme pour l’aider à surmonter sa spirale dépressive. L’espoir est sous-jacent mais sera-t-il comblé ? Pour le savoir, il faut le lire…