L'histoire :
En mars 2022, le Président de la République française convoque Diane, officier du contre-espionnage, sur une piste de ski où le chef d’Etat se détend incognito. Sur un télésiège préservé de toute écoute clandestine, il lui demande de l’aider à contrer les innombrables messages venant des « trolls » russes qui font de la propagande sur les réseaux sociaux en faveur du RN. Il s’agit de sauver la campagne présidentielle en cours et d’éviter que les russes décident du prochain président au mois de mai ! Effectivement, à Saint-Petersbourg, l’IRA recrute à tour de bras des activistes dont la mission de chacun est de rédiger 135 posts par jour, susceptibles de devenir viraux. Chaque troll dispose de faux comptes pour correspondre aux différentes franges de la population française. L’objectif : semer la discorde parmi les français, les experts, les politiciens, et favoriser au final les candidats hors establishment qui arrangent le Kremlin. Malgré ces mesures de contre-offensive, le RN arrive en tête des suffrages en avril. Il s’agit de toute urgence d’empêcher qu’il gagne le second tour ! En planque, Diane colle aux basques de Spassky, le chef de la Rezidentura à Paris. Car ce dernier est en lien très étroit avec Régis Ruiz, le lobbyiste du RN qu’un certain avocat noir, Innocent Le Mézec poursuit en justice pour le compte d’un oligarque. Mais Innocent est-il réellement un simple avocat ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Publié par un éditeur indépendant – L’aqueduc bleu – cet étonnant petit bouquin aborde de plein fouet des sujets sacrément sensibles : les ingérences de la Russie dans la campagne présidentielle française. Plus qu’inspiré par les authentiques manœuvres lors de la campagne 2017, le pitch de Bruno Traesh, dont le « vrai » métier est avocat parisien, n’y va pas par quatre chemins. Ici, par le truchement des réseaux sociaux et d’une armée de trolls manipulateurs, les russes tentent de favoriser le Rassemblement National pour que le Pen gagne face à Macron. Toute ressemblance avec la réalité n’est pas vraiment fortuite. Et un pseudo-avocat, mais véritable agent du contre-espionnage astucieusement prénommé Innocent, se retrouve en première ligne pour contrer ce cyber-terrorisme. La problématique est clairement exprimée et l’intrigue progresse vite… voire même avec une vitalité exacerbée, un découpage dynamique et un souci du réalisme assez étonnant pour la tonalité de fond. Car à travers son dessin semi-réaliste qui emprunte parfois aux codes du manga (petit format, noir et blanc, lignes de fuite, expressivité légèrement caricaturale…), Chico Pacheco s’évertue à alléger et « désacraliser » la dimension d’espionnage habituellement plombée par des codes très institutionnels. En clair, il n’y a pas de temps mort, notre héros met vraiment les mains dans le cambouis de la cyber-géopolitique et se retrouve plus d’une fois en fâcheuses postures étatiques. Ça n’est pas tout à fait convaincant dans le rythme et les transitions, mais ça a le mérite d’être rafraîchissant et d’aller au cœur d’un vrai sujet, avec une belle acuité. C’est d’autant plus malaisant de lire ce thriller au regard de l’offensive actuellement lancée par la Russie contre l’Ukraine et la progression du RN dans les sondages… Assurément, les auteurs n’avaient pas prévu une telle actualité lors de la réalisation de ce surprenant petit bouquin en dehors des canons narratifs du 9ème art habituel.