L'histoire :
Deux jeunes filles coiffées d’oreilles de lapin viennent rendre visite au célèbre Hugh Hefner, créateur du magazine Playboy dans les années 50. Il cherche à recruter des filles correspondant à l’esprit du mensuel. Ce dernier s’adresse en effet à un public adulte attiré par la vie libertine, la fête et la sensualité. Mais attention, Hugh Hefner met en garde ces jeunes filles naïves et innocentes : loin d’être un conte de fée, la vie de pin-up se révèle difficile à long terme. Il faut donc être prêt à en assumer toutes les conséquences, notamment psychologiques. A titre d’exemple, le directeur du magazine évoque le souvenir marquant de deux symboles de l’érotisme et de la pornographie : Bettie Page et Linda Lovelace…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Coney Island est le nom de la plage sur laquelle flâne Bettie Page, lorsqu’elle rencontre un photographe lui proposant de poser. Le destin de la jeune fille bascule alors dans le cynisme d’un monde destructeur, avide de stupre, d’argent et de gloire. Beauté coupable et innocente, victime expiatoire, le destin de Bettie était scellé. Car ses rêves de gloire prirent forme, non dans le cinéma comme elle l’espérait, mais bien dans la photo de charme… Ce one-shot très maîtrisé raconte le destin de deux icônes d’une culture underground naissante, dans l’Amérique des années 50. Deux personnalités, deux destins tragiques, deux vies broyées par la machine capitaliste, dessinent en creux un portrait acide de l’univers porno. Bettie Page, née dans une famille pauvre du Midwest, était une femme belle, intelligente, cultivée et voulait devenir actrice. Elle deviendra la pin-up la plus célèbre, l’une des premières égéries du magazine Playboy. A l’opposé, Linda Lovelace, plus naïve, insouciante, deviendra par hasard la première star du cinéma porno en incarnant le symbole de la libération sexuelle dans une Amérique puritaine et conservatrice. Avec délicatesse, Nine Antico réussit à marier dialogues crus, finesse du propos et analyse politique. Armée d’un trait souple et fin, l’auteure dénude les corps pour mieux en souligner la décomposition physique et morale, tout en noir et blanc. Dans cette jungle du jouir-toujours-plus, pas de place pour la nuance, le système capitaliste consume à petits feux. Car au-delà du sexe, l’auteur propose une lecture critique du phénomène porno naissant : le capitalisme brise des vies en nourrissant l’illusion du succès et de la gloire. D’ailleurs, Linda Lovelace finira par renier son passé en devenant une ardente militante anti-porno, tandis que Bettie page se tournera vers la religion, avant de sombrer dans une dépression…Un cinglant one-shot, à lire.