L'histoire :
Adèle et Julien ne se connaissent pas, mais ils sont tous les deux en retard, ce jour-là, pour attraper leur train à destination d’une cité balnéaire. En courant sur le quai, ils se percutent un peu violemment et se retrouvent au sol. Ils s’excusent mutuellement, échangent un court regard un peu embarrassé et repartent chacun de leur côté… sans se rendre compte qu’ils ont échangé leurs sacs, strictement identiques. Ils montent dans le même train, dans des wagons distincts, oubliant aussitôt leur brève rencontre, ignorant même qu’ils prennent le même train vers la même destination : Bagatelle-sur-Mer. Le trajet se déroule tranquillement. A l’arrivée, ils ne se voient pas et prennent chacun un taxi différent. Celui de Julien fait quelques détours. Julien paiera le double du tarif d’Adèle et il arrivera 5mn plus tard… mais pour finalement prendre les clés du logement voisin de celui d’Adèle, au sein d’une maison double. Dans leurs chambres de location, Julien et Adèle s’aperçoivent alors qu’ils n’ont pas leurs bons sacs de vacances. Ils en déduisent aussitôt qu’ils ont dû l’échanger lors de leur télescopage. Julien se retrouve avec des fringues de fille ; et Adèle avec les affaires de vacances de julien, et aucun des deux n’a le moyen de contacter l’autre. Ils ignorent qu’un bête mur les sépare…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Membre de l’OuBaPo (l’ouvroir de bande dessinée potentielle) dès sa création au sein de l’Association, François Ayroles a habitué ses lecteurs à faire de la bande dessinée « différente » et intelligente. Le concept d’Océan express n’est cependant pas tout à fait nouveau, pas plus que son idée de départ. L’échange involontaire de deux sacs identiques est un classique, plutôt du récit d’espionnage ou du thriller. Ici, il n’y a cependant pas d’autre conséquence grave que celle qui oblige les deux distraits à se débrouiller pour trouver d’autres fringues de vacances. Mais la construction narrative d’Ayroles en miroir nous donne à suivre à chaque double page Adèle (planche de gauche) et Julien (planche de droite) en parallèle et en temps réel. Le dessin adopte quant à lui une sorte de ligne claire stylisée, simplement rehaussée d’une teinte unique en bichromie de bleu pour les effets de profondeurs ou les ombres. A partir de là, l’inspiration et la truculence de l’auteur opèrent ! Car évidemment, se met en place une sorte de chassé-croisé savamment construit pour qu’Adèle et Julien ne se croisent plus jamais après la pose de la problématique en page 1. Ce système se révèle aussi infernal que truculent. Ce faisant, ils échangent sans cesse avec les mêmes protagonistes, parfois à quelques secondes d’intervalle, ignorant que ces seconds rôles sont eux aussi au contact du / de la responsable de leur principale problématique. Ayroles ajoute pas mal de finesse et d’humour dans les situations et les dialogues, pour un résultat tout à fait jubilatoire qui dure 152 pages ! Un pur bonheur de lecture, tout public.