L'histoire :
Dans une banlieue nord-américaine ordinaire, vit David, cadre moyen lui aussi ordinaire. Routinière et sans relief, son existence ressemble à un long fleuve tranquille, dans une société matérialiste qui cultive les apparences. Un beau jour, sa sœur emménage dans une belle bâtisse de la banlieue cossue. Sous la pression familiale, David décide à son tour de vivre son American Way of Life en achetant une nouvelle maison. Mais la vente de leur maison, boîte à souvenirs et à émotions, plonge doucement sa femme dans une chagrin inattendu. Car l’achat de la nouvelle maison semble au-dessus de leurs moyens… mais peu importe, dans cette société du vide spirituel et du plein matériel, il faut savoir compenser pour sauver les apparences…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Première BD pour l’auteure canadienne Arianne Dénommé qui tente dans Du Chez-soi d’ausculter la torpeur routinière du mode de vie américain sous l’angle de l’immobilier, un synopsis original et parfaitement dans l’air du temps. Alors que chez Dan Clowes les banlieues constituent essentiellement des décors désincarnés en arrière-plan, Arianne Denommé prend les bâtiments comme sujet pour traiter d’une société noyée dans le culte du paraître et de la religion matérialiste. Finalement, l’histoire pose une question assez simple et ordinaire : l’argent et ce qu’il permet débouchent-ils nécessairement sur le bonheur ? On connaît déjà la réponse, mais l’intérêt du livre réside surtout dans le traitement narratif. Croisant les trajectoires individuelles et collectives soumises à la pression sociale, jouant l'économie de dialogue et de décors, décrivant des personnages toujours plus ordinaires, dépassés par le qu’en dira-t-on et aveugles à leurs motivations réelles car inconscientes – une course au bonheur et au confort matériel conditionnée – Dénommé parle des névroses enfantées par un mode de vie fait d'isolement et de dépossession. Cette ruée sans fin vers la félicité, offerte par la société de consommation, ne pourra alors qu’alimenter frustration, solitude et désenchantement, incarnés ici par la femme de David, déprimée et sans ressort. Le ton est souvent juste et précis, tellement d’ailleurs qu’il en devient parfois ennuyeux, comme dans une banlieue Desperate Housewives. A ce titre et paradoxalement, l’ensemble est réussi. Quant au dessin, au crayon sobre et pudique, il colle à son sujet idéalement (on regrettera juste les nez de cochon), en décrivant un décorum standardisé et normalisé, spacieux mais sans âme, subtile métaphore imagée d’une existence figée dans l’absence d’horizon et l’hypocrisie des voisinages. Adoptant le ton de la colère posée, voici une critique sociétale parfois hermétique ou lancinante, certes, mais finalement assez juste.