L'histoire :
En juin 1910, le général français Charles Mangin, qui dirige les forces militaires dans les colonies africaines, fait un discours maladroit à l’Assemblée Nationale. Il est persuadé que la guerre est proche et que le recours aux forces humaines issues des colonies africaines sera un atout, en échange de la civilisation que la France apporte à ces territoires. Quatre ans plus tard, en effet, les militaires français recrutent en masse et en force les jeunes hommes des villages du Dahomey (actuel Bénin). Ils brûlent les villages qui refusent de livrer leurs hommes. Depuis un promontoire, Bakary et son cousin togolais Babacar, tous deux issus de la même ethnie kabyé, contemplent le spectacle désolant des colonnes de fumée au loin. Les chefs de leurs villages respectifs ont compris qu’il fallait se soumettre à la loi des blancs. Ils accepteront que les deux hommes s’engagent… mais hélas chacun dans une armée différente, car le Togoland est alors une colonie allemande. Une simple rivière les sépare, mais pourtant demain, ils seront ennemis. Pour tous les jeunes noirs en âge de combattre, débute alors une période d’entrainement intensif et d’apprentissage de la discipline militaire. Le 3 août 1914 à 6h du matin, le commandant de la caserne française annonce à ses hommes que la guerre est déclarée. L’heure est venue pour eux de rendre à la patrie française ce que cette dernière leur a donné. L’heure est venue de marcher sur le Togoland…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers cet album publié par les africaines éditions de L’Harmattan, le scénariste malien Massiré Tounkara et le dessinateur français Christophe Cassiau-Haurie font une œuvre de Mémoire en focalisant sur l’engagement des forces coloniales noires durant la première guerre mondiale. Car au nombre des martyrs, il n’y eut pas que des tirailleurs sénégalais qui servirent de chair à canon sur le Chemin des Dames. Les territoires frontaliers des colonies africaines furent aussi le théâtre de champs de bataille, et notamment entre le Dahomey (actuel Bénin) sous domination française et le Togoland (actuel Togo) sous contrôle germanique. Les auteurs explicitent tout d’abord le contexte et mettent en scène deux cousins issus d’une même ethnie, les kabyé, mais pas du même côté de la frontière. Ces derniers s’apprécient mutuellement à la veille du premier conflit mondial et néanmoins, ils vont « administrativement » se retrouver ennemis. Dès la première planche, on sent venir la conclusion dramatique… L’on suit de manière chronologique le recrutement de force, l’entrainement des hommes, les premières batailles et toutes les victimes inutiles, pour une « bête » prise de position. En postface, Cassiau-Haurie tire le bilan de ce conflit cela dit très bref : largement plus faible en effectif, le Togoland capitulera dès le 26 août 1914. Il en sera autrement de la conquête du Kamerun, où les combats durèrent deux ans. Bien que sans fioriture et dessinée d’inégale manière réaliste – certaines séquences ont été clairement expédiées ; certains angles de vue sont plus qu’approximatifs... – l’œuvre est parfaitement didactique et sa lecture fluide.