L'histoire :
« Coloration Viva Blonde Extra... Level 4... Appliquer à trois centimètres des racines... Remonter jusqu'aux pointes... Rincer... Sécher... Frotter énergiquement... Voilà. Blonde comme Kim Novak. Il va aimer ça. ». On croit connaître les gens. Surtout ceux qui vivent sous le même toit. Vous la croisez dans les escaliers, vous entendez ses pas au dessus de vous. Sans même vous en rendre compte, vous savez tout de ses allées et venues, de son rythme de vie... Alors vous la guettez puis vous l'invitez... Les choses se déroulent comme vous l'avez décidé... Vous la séduisez et c'est plutôt agréable. Mais vous vous lassez vite : vous ne croyez pas aux happy end. Alors vous rompez. Et même si vous avez largement abusé de sa naïveté, vous êtes du genre manipulateur. Vous n'y pouvez rien. Vous pensez que les torts sont partagés et que, de toute façon, ça ne pouvait pas coller. Alors vous apprenez à l'éviter. Vous reprenez vos petites habitudes. Quant à elle, vous êtes certain qu'elle vous oubliera sans effort. Oscar pensait connaître Anna mais il se trompait...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rares sont les livres qui vous collent un tel sentiment de malaise. Sentiment lié au fait qu'on vient embrasser l'intimité de personnages tordus. Vrillés. Malsains. Et forcément, les relations sociales, y compris amoureuses qu'ils entretiennent, sont emprunts de ce qui les qualifie. Violents, cyniques, humiliants. Anna peut être vu comme l'histoire de la relation amoureuse entre Oscar, un pervers manipulateur et donc cette fille qui donne le nom à l'album, qui est profondément amoureuse et qui se détruit, jusqu'à des tentatives de suicide savamment calculées pour échouer, car elles sont des essais pathétiques d'attirer l'attention de cet homme malveillant. Anna, c'est l'amour à mort et son théâtre psychique où se rejoue l'éternelle pièce des pulsions de vie et de mort. Le problème, c'est qu'ici, les deux se confondent dans un ballet profondément désespéré. Christophe Bec découpe ses planches dans un gaufrier hypnotique où il fait défiler l'ombre et la lumière comme sur une pellicule de cinéma. Ses planches sont captivantes et donnent corps à cette tripoté de pauvres gens qui naviguent dans la hype des milieux intello-artistiques parisiens mais qui sont en réalité une bande de ratés. Il y a dans Anna une satire des mœurs des bourgeois-bohèmes, un portrait d'un type lamentable et celui d'une nana cinglée. La fin du récit, entrecoupé de quatre pages de texte, nous réserve un dernier trait de causticité. On retiendra surtout son intensité dramatique véhiculée par un Noir et Blanc sublime.