L'histoire :
Une nouvelle journée de labeur débute pour João et Rosinda, ce matin de septembre 1962 au Nord du Portugal. Ils sont des travailleurs pauvres qui vivent dans une cahute avec leurs deux filles et subissent de plein fouet la crise économique du pays. Le patron a du mal à payer João, mais il finit toujours par lui donner son petit salaire, pour un boulot harassant dans une carrière. Or ce jour là, les soldats de Salazar (le dictateur en place à cette époque) viennent arrêter Carlos, le frère de João. Sans doute s’est-il montré trop critique publiquement envers Salazar… João essaie de s’interposer, mais ses compagnons ouvriers le retiennent, et lui évitent ainsi une arrestation sommaire. Ils ne reverront plus Carlos. Dans les jours qui suivent, les choses se corsent : João est licencié par son patron. Cette fois, c’est une sacrée mouise. Comment faire pour assurer un minimum de subsistance et d’études à ses deux filles ? Ils ne peuvent pas tenir avec le seul maigre salaire de Rosinda. João a eu des nouvelles de son cousin Manuel qui travaille à Paris et gagne ainsi un bon salaire. Alors dès qu’il entend parler d’une filière de passeurs pour traverser l’Espagne et les Pyrénées, il réunit la somme requise (5 500 escudos !) et fait ses adieux à sa femme, lui promettant de lui envoyer de quoi payer l’école pour ses filles bien aimées…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est une histoire d’immigration clandestine relativement courante que nous propose Adeline Casier, en hommage à l’exil de son grand-père immigré portugais dans les années 60. D’autres ouvrages nous ont déjà raconté l’exil d’espagnols dans les années 30 où d’africains de nos jours, fuyant un régime politique répressif ou des conditions économiques désastreuses… et c’est toujours un peu la même histoire : les adieux déchirants, le coût prohibitif d’une aventure sans assurance de succès, les barrières naturelles à franchir, le mépris apparent des passeurs, la solidarité entre immigrés, la survie face aux privations, les aides providentielles… et le tout, en silence (Em silêncio !) Rappelons le contexte, comme le fait très bien Victor Pereira dans la postface : sous le joug de Salazar, 900 000 portugais fuient la dictature et s’exilent en France entre 1957 et 1975, la plupart du temps de manière légale et sans répression. Pour les besoins de la narration, Adeline Casier avoue avoir un peu trahi la réalité et corsé ce passage épique des Pyrénées… mais par bribes, les anecdotes d’exilés sont authentiques. L’autrice propose un découpage impeccable, pour une narration prenante, via un dessin semi réaliste entièrement réalisé au crayon à papier et laissé en noir et blanc, sur plus de 150 pages.
