L'histoire :
« Lundi 17 novembre, Aubervilliers.
Papa, Je sais que ça va être dur pour toi à avaler, donc s'il te plaît, lis bien cette lettre jusqu'au bout. Je suis partie. Pas spécialement à cause d'hier. Pas non plus parce que je suis comme tu dis en ce moment, une « ado » et plus ton bébé. Il y a comme une fêlure entre toi et moi. Nous devons tous les deux faire au MIEUX. Là où je suis, on m'écoute, on me soutient. Je crains que tu cherches, par tous les moyens, à me retrouver. N'y pense pas et travaille plutôt sur ton ego. C'est indispensable pour que je puisse revenir ici. Sans cela, tu perdrais juste ton temps. Agathe ».
Voici la lettre que Monsieur K. retrouve vers 18h30, en rentrant du travail. Sa fille a 14 ans et il n'accepte pas qu'elle puisse être partie. Le lendemain matin, il se décide à aller voir la Police parce qu'il est persuadé qu'on l'a forcée à écrire, tout comme elle a du être contrainte à « partir ». Mais ça ne tient pas la route pour le commissaire, qui trouve même ce type suspect. Résultat des courses : perquisition et garde à vue...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
David Barou et Philippe Renaut signent cet album sous le pseudonyme qui lui donne son titre, Enfin libre. Le duo, qui a déjà publié Le fluink, Le songe de Siwel et Grumf chez le même éditeur, revient avec un récit dans lequel on retrouve les thèmes et surtout la poésie que les deux premières œuvres véhiculaient. Avec un pitch qui ressemble à celui d'un scénario de film indépendant, Enfin Libre nous embarque dans une histoire qu'on devine tout de suite tendre, ce que la colorisation suggère avec ses teintes qui ne saturent jamais l’œil. Si le contexte s'avère très réaliste, dans un Paris contemporain, on retrouve le dada des auteurs : la métaphore poétique qui s'affranchit d'un déroulement totalement rationnel des évènements. Où est passée Agathe ? Hé bien c'est justement une réponse symbolique que le lecteur trouvera. Peu importe finalement le lieu où elle se trouve, ce qui la sépare de son père, ce ne sont pas des kilomètres qu'elle a pu mettre entre lui et elle, mais ce qu'il ne voyait pas (ou plus) en elle. C'est peut-être la Morale de l'Histoire, quoiqu'on puisse aussi interpréter à sa guise ce qui s'y reflète. Cette histoire s'avère aussi singulière qu'attachante, exactement comme les personnages qu'elle met en scène : ce père qui trimballe son angoisse mais qui est un brave type, cette fille qui est le symbole de l'artiste dans son monde imaginaire, un inspecteur qui est la douce caricature de Sherlock Holmes et des personnages secondaires « populaires », qui fréquentent les bistrots et font de la musique une fois le job terminé. Enfin libre fait partie de ces bouquins qui ne font pas dans le spectaculaire, mais dont l'originalité marque le souvenir de son lecteur.