L'histoire :
Le monde court droit à la catastrophe : une crise financière sans précédent, la 4ème en quinze ans, a laissé plus de 60% des membres du G33 dans un état de crise profonde. La planète est polluée, les ressources s’épuisent, l’influence de la Chine grandit. Pourtant, face à l’apocalypse qui s’annonce, le G33 a pris des mesures draconiennes : fin de l’argent virtuel, retour à des entreprises à capitaux identifiés, FMI et Banque Mondiale réformés… sans oublier la mise en œuvre de nouveaux outils destinés à responsabiliser les gens et à moins polluer : énergies propres, monnaie unique, véhicules électriques, campagnes de recyclage, transports à cheval, en vélo, retour au troc et à une langue universelle de 2000 mots, le Goeth, retour à la terre, au potager, aux peaux d’animaux et silex de nos aînés, retour à l'état de nature aussi, un état où les mots se transforment en borborygmes… Une lente régression qui se drape des vertus de la modernité, de la sécurité et de la frugalité, pour mieux infantiliser les populations : elle est pas belle la modernité ? Attention, les réfractaires au tout écologie et à l’uniformisation des pratiques seront exclus de la marche du monde… Pour être heureux, faut-il renoncer à la technologie et au progrès ? Et si la modernité n’était qu’une forme de régression infantile ? Eh ! on parle du présent ou du futur ? Qu’on se rassure, d’un passé lointain, très lointain...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Et si, sans nous en rendre compte, la planète était en train de revenir à l’âge de pierre ? Avec Grumf, le duo d’auteurs Philippe Renaut et David Barou nous convient à un retour vers le futur, sorte de critique drôle et légère du catastrophisme ambiant et de la pensée bobo-écolo, surprotectrice et infantilisante, qui masque mal une haine du progrès et une culture de la peur. Grumf avance ainsi pas mal d’idées intéressantes malgré un message parfois sibyllin : refuser le progrès, renoncer aux identités, préférer le troc à un système monétaire, fonder une langue universelle de 2000 mots, rouler en cheval pourrait bien confiner à une forme de régression. Poussées à l’excès, certaines pratiques ou idéologies deviennent alors dangereuses, sinon ridicules, semblent suggérer les auteurs. Le ton, volontairement caricatural et outrancier, est alors au service d’une démarche graphique et narrative ingénieuse, imaginant un monde loufoque où plus personne ne se comprend, si ce n’est par symboles… Un raisonnement par l’absurde jusqu’au-boutiste et ironique, démontrant par un compte à rebours inversé ce vers quoi le monde tend désormais. Le présent est en fait le futur qui est en fait notre passé... D’ailleurs, essayez de lire la BD à l’envers, ça marche aussi ! Insistante et poussive par moment, la BD vaut néanmoins par son traitement formel et les questions qu’elle soulève : on suit ainsi différentes générations d’une même famille en phase d’hippisation aiguë, alors qu’en parallèle, la mise en couleurs et le trait « se dégradent » eux aussi. D’abord à l’aquarelle, la colorisation passe ensuite à un dégradé de gris tandis que les pages de fin suppriment les détails, les couleurs et les profondeurs, pour revenir à un crayonné minimaliste austère, métaphore de l’âge de pierre. Plutôt intelligente et bien faite, Grumf est une fable critique à contrepied de la morale naïve et bien-pensante qui, en croyant faire le bien, nous pousse insidieusement vers notre fin. Et Baudelaire qui ajoutait dans Fusées : …nous périrons par où nous avons cru vivre.CQFD.