L'histoire :
Décembre 1936. Le gouvernement républicain de l'Espagne décide de participer à l'Exposition universelle qui aura lieu quelques mois plus tard à Paris. Si la culture peut paraître futile en temps de guerre, cette vitrine mondiale sera une occasion unique de témoigner de la souffrance de tout un peuple, mais aussi de transmettre de l'espoir à ses martyrs. Ce projet est porté de toutes ses forces par Francisco Largo Caballero, le chef du gouvernement. Dans son bureau, il discute avec Josep Luis Sert, l'architecte qui a conçu le pavillon espagnol. Sont également présent Luis Aragon, le poète, et Max Aub, dramaturge et ami de Pablo Picasso. Les deux artistes s'adjoignent les services de Jose Bergamin, autre intellectuel et créateur, pour aller présenter une requête à Pablo Picasso, qui a quitté l’Espagne depuis longtemps pour vivre en France, mais dont l'anti-franquisme est sans concession. Le peintre espagnol bénéficiera d'une carte blanche pour représenter l'Espagne des libertés et de la démocratie. Le 26 avril 1937, 44 avions de la Légion Condor des forces armées nazies, ainsi que 13 autres de l'Aviation légionnaire fasciste italienne, en appui du coup d'état de Franco, bombardent la ville basque de Guernica. Picasso entame son travail et délivre quelques semaines après un tableau monumental...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Guernica est un récit aussi limpide qu'émouvant. En allant au plus simple, Bruno Loth propose un scénario en deux étapes qui s'articulent fort logiquement. Tout d'abord, il livre quelques portraits de ces basques prêts à donner leur vie pour combattre le fascisme de Franco. Des garçons tout juste armés, effectuant parfois des dizaines de kilomètres en quelques jours avec à peine de quoi se chausser. Les femmes, quant à elles, jeune mère ou vieille dame, attendent le retour de l'être cher ou de leurs fils aimés. Dès la seconde planche, il nous familiarise avec cette ville et ses mœurs d’antan. Et puis c'est l'horreur du bombardement. La mort qui tombe du ciel. En mettant en scène ces destins brisés, l'identification aux personnages joue à plein. Découle par la suite la seconde partie, où l'on voit Picasso habité par son art. Le switch fonctionne parfaitement, avec son contraste suggéré entre la destruction et la création. Voilà, ce bouquin est très fort. Parce qu'il véhicule des émotions et parce qu'il colle remarquablement à l'Histoire, aux faits. C'est ainsi que la stratégie de Franco est remise en perspective, car faire tomber le pays basque, c'était dans sa conception faire plier rapidement le reste du pays... Enfin, une autre qualité est de souligner la beauté du pays basque et celle de l'âme de ses habitants. Un cahier complète la BD, offrant une documentation sur le travail de Picasso, mais aussi une tribune au dernier survivant du massacre. Se frotter au mythe qu'est Guernica aurait pu aboutir à une succession de stéréotypes. Il n'en est rien. Bien au contraire, ici, l'émotion côtoie le respect et l'intelligence. Et n'est-ce pas le meilleur moyen de faire vivre la mémoire ?