L'histoire :
Debout face à son chevalet, l’ours Barnabé peint la hauuute montagne qu’il a devant lui. Son œuvre terminée, il enrage de n’avoir pu faire figurer le sommet, hors cadre – cette montagne était décidément trop haute. De fait, il replie son matériel, retourne à son chalet et dispose le chevalet et la toile à l’extérieur, devant la fenêtre de son séjour. Ainsi, depuis son fauteuil à l’intérieur, il peut regarder le flanc de sa montagne sans remarquer que le bord haut lui découpe le sommet…
L’ami renard demande à l’ours Barnabé de lui dessiner l’étiquette qui figurera sur les bouteilles de sa production vinicole. Il veut que le dessin représente son château et son vignoble. Barnabé adopte alors un curieux procédé : il vide de son vin la bouteille que Renard lui a présentée. Puis il la remplit d’eau. Puis il s’installe devant son chevalet, la bouteille posée sur une table pile devant le paysage du vignoble, afin que l’effet loupe rende très exactement ce qu’il va dessiner…
L’ami lapin demande à l’ours Barnabé pourquoi on ne tombe pas si l’on marche jusque dessous la Terre. Barnabé lui explique qu’on est toujours attiré vers le centre, et il lui prouve en faisant un numéro d’équilibriste : il marche sur un ballon géant représentant les continents, en le faisant progressivement rouler, de la France jusqu’à l’Australie, sans tomber…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’auteur Philippe Coudray ne regarde pas notre monde sous le même prisme matérialiste que la plupart de nous autres contemporains. Pour la quatorzième fois, il met en scène son Ours Barnabé, une série de « gags philosophiques » en une planche, assurément plus poétiques qu’humoristiques. Jamais hilarantes, les réactions de ce plantigrade logique et audacieux face à ses expérimentations quotidiennes ordinaires parviennent à chatouiller tantôt le domaine métaphysique, tantôt l’humour absurde, tantôt le souci écologique. Tantôt elles sont juste pétries de bon sens et tantôt elles sont tout ça à la fois. Evidemment, il faut être sensible à ce genre de lyrisme et aux démonstrations au énième degré. Et selon où se situe votre centre de gravité à ce niveau, certains gags peuvent tomber complètement à plat. Il faut aussi accepter le postulat d’un dessin simple, ultra-lisible, animant des personnages anthropomorphiques dénués apparemment de toute expression. En attendant, c’est une prouesse à chaque fois renouvelée que de pointer des aspérités dans ce qui semble lisse, à allumer des pistes de réflexion dans le banal, à surligner l’abstrait dans le concret. Faut-il un don d’observation ou de prise de recul extraordinaire pour distinguer autant de trompe-l’œil dans notre quotidien ?