L'histoire :
En 1941, aux portes de Paris, dans le camp d’internement de La Muette. Cette cité fut construite en 1931 à Drancy. Initialement, elle devait permettre à des ménages de revenus modestes d’accéder à des habitations confortables. Suite à la crise financière, la cité ne sera pas achevée. Sa forme en U intéresse particulièrement les allemands, elle est réquisitionnée dès 1939. Cette forme permet une surveillance optimale avec une seule voie pour l’entrée et la sortie. Des milliers de personnes, hommes, femmes et enfants vont ainsi transiter par Drancy avant d’être déportés à l’Est. A Drancy, on meurt de faim, de maladie, de désespoir ou encore sous la main de l’homme. L’impensable, l’indicible et l’innommable se produisent. Les vitres sont peintes pour réduire la visibilité des bâtiments en cas de survol. De fait, les détenus n’ont plus accès à la lumière du jour. Il n’y a que 60 toilettes pour plus de 5000 prisonniers. Dès l’entrée des femmes dans le camp, les abus sexuels sont monnaie courante. Une hiérarchisation entre les détenues ainsi qu’un classification se met en place et ajoute de la violence et de l’injustice au sein des prisonniers. Béno, Chana, Sam, Noam, Adler, Nissim, Lev, Samuel, Herman, Klara ncarnent l’Histoire du camp et des milliers de personnes qui ont y vécu. Les allemands ont fuit le camp le 17 août 1944. Les résistants et la Croix Rouge arrivèrent pour s’occuper des survivants, sous le regard bienveillant du consul de Suède Raoul Nordling.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La Muette est la toute première bande-dessinée sur le camp de Drancy, résultat d’un exigent travail de recherches. Valérie Villieu, ici scénariste, est infirmière de métier. Elle mène en parallèle de ses soins une vie riche de projets artistiques et littéraires. En 2020, elle a publié Deux hivers et un été chez la Boîte à Bulles. Il s’agit du récit d’une de ses patientes juive polonaise, Wally Danzig-Aviam, exilée dans les Alpes avec sa sœur durant la seconde guerre mondiale. C’est à partir de ce témoignage que les personnages de Béno, Chana et Herman sont nés, frère et parents de la patiente qui sont tous les trois passés par Drancy avant d’être déportés. 65000 juifs de France transitèrent par la Muette avant d’être envoyés vers l’Est par convois. L’autrice continue ainsi son travail sur la persécution des juifs commencé en 2020, où l’Histoire l’emporte toujours plus loin. A l’aide de photos historiques et des nombreux dessins de détenus, Simon Géliot retranscrit graphiquement l’architecture du camp et son ambiance lugubre. Il parvient à donner un visage à ces milliers de personnes, à leur rendre une place, une individualité dans ce massacre de masse. Les nuances de gris apportées par le coloriste Philippe Marlu permettent de visualiser la noirceur du mâchefer, résidu de la combustion du charbon qui recouvrait la cour et produisait beaucoup de poussière. Le travail de ce trio est remarquable et il est indéniablement saisissant dans son réalisme. Le lecteur est transporté parmi les détenus qui ont chacun leur propre âme et histoire. Malgré une rivalité qui peut s’installer dans la survie, des amitiés et une solidarité s’instaurent le plus souvent entre détenus. Une lecture qu’on devrait mettre dans les mains de tous les humains pour se souvenir d’un passé irréparable, mais qu'on peut éviter dans l’avenir avec un peu d’instruction et de tolérance.
