L'histoire :
Au dessus du fauteuil canapé, un brin de fumée apparent laisse deviner que la machine se (re)met en marche. Les lunettes de soleil n’attendent que leur propriétaire ; le murmure du penseur se fait entendre, de plus en plus aigü. La page d’après, Ray Banana est là, lunettes sur le front, à siroter une bouteille de la main droite et à fumer une clope de la main gauche. L’homme adore réfléchir à tout ce qui lui passe par la tête : au bonheur de l’homme qui, par hasard, porte des chaussettes trouées ; à la recette du Martini ; au dualisme du bien et du mal ; à dieu ; à l’évolution des espèces ; à l’incertitude de l’Homme seul ou non dans l’univers, etc. Au milieu de ses collègues tels Aristote, Platon, Pascal, Hegel, Confucius (…) Ray Banana fait un peu tâche, mais il est le seul à vivre à nos côtés, capable de critiquer – au sens premier du terme – et de nous défendre contre l’idéologie ambiante et son progrès mécanisé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Plus connu pour sa collaboration au dessin avec Jean Van Hamme sur L’Affaire Francis Blake et L’Etrange rendez-vous, respectivement n° 13 et 15 de la série Blake et Mortimer, Ted Benoit est, depuis la fin des années 70, un auteur-illustrateur prolifique ayant participé à de nombreux magazines, remarqué dès ses débuts par un prix au Festival d’Angoulême 1979. C’est en 1982 que sortit le premier album du personnage de Ray Banana avec Berceuse électrique puis Cité de Lumière (1986). Ainsi, près de 30 ans après, Ted Benoit et La Boîte à Bulles ont décidé qu’il était temps pour lui de reprendre du service en prenant tout le monde à « Contre-pied », comme l’annonce si bien le titre de la collection. De fait, le personnage de Ray Banana paraît aujourd’hui un peu suranné dans un monde où les idéologies ont cédé le pas à la sur-médiatisation et où on ne prend plus guère le temps de se poser et de réfléchir aux choses. Sorte d’anti-philosophe « bobo » caricatural, Ray Banana livre, tel le sage, du haut de sa montagne, ses lumières sur l’actualité, les tracas quotidiens, l’essence de la vie, etc. Pour résumé et rebondir en couverture, c’est comme si Ted Benoit avait souhaité faire un pied-de-nez à tout ce que l’on nous vend comme acquis et à la pointe du progrès mécanisé. Néanmoins, après la lecture quotidienne de ces quelques 80 pages, force est de reconnaître que le philosophe brasse beaucoup de vent. Et même si le tropisme du sophisme (l’art de défendre tout et son contraire) est ici choisi sciemment, il lasse et tombe souvent à plat. Chacun qui le souhaite pourra juger l’intérêt d’un retour sous forme d’album d’un personnage sympathique au demeurant, mais qui nous semble aujourd’hui presque étranger…