L'histoire :
Pigeon Hill, un hameau de la municipalité de Saint-Armand, au Québec, à une heure de Montréal. Christian Marcotte y a acheté une ferme, construite aux alentours de 1870, même si elle a, depuis, grandement évolué. Il possède environ 20 hectares. Après avoir été monteur dans l'industrie du cinéma, il a compris que vers la fin des années 70, l'évolution des technologies et la recherche systématique de performances ne le satisferaient pas. Alors il a choisi de devenir un « pousseux d'ail frais ». Il aurait pu faire pousser autre chose, mais sa fierté, c'est d'avoir sauvé cette terre du maïs. Sa fierté, c'est d'exister au milieu d'un coin bourré d'OGM. Alors il se dit que c'est déjà ça de gagné. Avec l'aide de Paulette Vanier et Pierre Lefrançois, un couple de voisins devenus ses amis, il se forme à l'agriculture biologique. Depuis, il a assuré une production respectueuse de l'environnement, au modèle économique rentable. Il fait partie de ces paysans qui ont tout plaqué pour se retrouver et se consacrer à une activité qui rompt avec les valeurs de l'économie de marché. Rien n'est simple ni idyllique, mais le travail se fait en harmonie avec la nature, et avec ses propres valeurs...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Le nouveau monde paysan au Québec, Stéphane Lemardelé signe un récit engagé et instructif. Engagé, car il dresse le portrait, à la façon d'un reportage, d'une poignée de québécois qui ont renoncé à leur vie citadine et industrielle pour se reconnecter à la Terre, via le travail des terres qu'ils ont acquises. L'auteur a donc passé plusieurs mois à leur contact et il a l'art de délivrer le rythme de leur quotidien. Il rend en effet hommage à des travailleurs qui œuvrent bien souvent solidairement et qui servent un intérêt commun : celui d'une agriculture saine, destinée à proposer une alimentation saine. Cette BD est également particulièrement instructive, parce qu'elle nous familiarise avec des techniques de productions qui sont certes une alternative aux pesticides et OGM qui nous empoissonnent au quotidien, mais qui échoient souvent au passé, à la façon dont on a travaillé la terre en la respectant, durant des siècles et des siècles. Attention, n'allez pas croire qu'il s'agit là de décrire une bande de farfelus nostalgiques : si se dispenser de machines agricoles est une chose, établir un écosystème viable et rentable relève souvent du niveau d'ingénieurs agronomes, mais qui mettent toutes leurs forces à ne plus servir une industrie qui empoisonne tout et tout le monde. On en apprend donc beaucoup, y compris du point de vue de l'histoire locale, de ses mœurs actuelles et de la législation qui leur complique bien souvent la tâche. Sans jamais verser dans le rébarbatif intellectuel, l'auteur signe une BD aux frontières de la sociologie et de l'anthropologie. Et comme si ces qualités ne suffisaient pas, elle s'ajoutent à un grand mérite : souligner l'importance qu'ont ces travailleurs qui s'inscrivent dans un monde meilleur et donner de l'espoir au lecteur. La morale ? Les alternatives à l'agriculture polluante existent, pour les producteurs et pour les consommateurs. Alors vive le Québec et son nouveau monde paysan !