L'histoire :
Nous sommes au Kariwaï, pays d’Afrique noire semi-désertique. Deux hommes observent du haut d’une butte un étrange manège. Un chasseur indigène se mesure à une antilope et, l’ayant battu à la course, lui inflige une encoche à une corne pour marquer sa victoire. Etrange manège, étrange rituel de l’homme face à la bête. Métaphore du combat de l’homme face à la nature. Les deux français spectateurs sont des humanitaires en mission. L’un se prénomme François et l’autre Alexis, plus jeune et moins expérimenté. Accompagnés de leur chauffeur musulman Abdullah, ils sillonnent le pays afin de vacciner les populations locales contre la fièvre pulmoïde qui fait des ravages. Mais la situation politique du Kariwaï leur fait courir de gros risques. D’un côté, il y a les forces régulières du président Mizumbu ; de l’autre, une rébellion menée par un fou du Christ appelé Tumazi, qui pille et ravage tous ceux qui refusent de le suivre dans sa quête d’une Afrique purifiée. Tumazi et ses hommes ne font pas de quartier, volant les jeunes enfants pour les endoctriner, massacrant ceux qui s’y opposeraient. Les charniers se multiplient, la rébellion gagne du terrain. Et dans sa capitale de Frenchtown, malgré tous ses avions et hélicoptères achetés à prix d’or aux Occidentaux, le président Mizumbu semble impuissant et sent son potentat lui échapper…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
S’inspirant de l’actualité cruelle que nous connaissons trop, Fabien Tillon – fin connaisseur et auteur d’ouvrages autour de la bande dessinée – et Gaël Remise – jeune enseignant en art graphique – ont imaginé concentrer en un même Etat tous les principaux maux dont souffre aujourd'hui l’Afrique. Le titre de l’album sonne d’ailleurs gravement. Jouant sur l’épithète de couleur, le diagnostic est sombre et sans appel : pas plus en début qu’en fin d’album, le lecteur ne semble entrevoir de lueur d’espoir. Le scénario décrit l’affrontement d’un pouvoir officiel aveugle, décadent et vendu à des lobbys extérieurs, à un autre insurrectionnel, sauvage et prétendument rédempteur. Tous deux n’offrent, de fait, aucune perspective, sinon celle de la violence et du repli narcissique. La religion, ici chrétienne, sert d’alibi aux fous de dieu qui sont tous à mettre dans le même sac, quelle que soit leur confession. L’atmosphère à la fois chaleureuse et oppressante est bien rendue. Au milieu de ce sac de vipères, notre petite équipée d’humanitaires tente de préserver un havre d’humanité justement, avant d’être englouti eux aussi… Pour un premier album, c’est plutôt accrocheur. Le rythme est bon et les personnages convaincants, voire attachants. Et surtout, conçu comme un thriller, le suspense est préservé de bout en bout. Les heures noires se révèlent ainsi une bonne surprise de ce début d’année. Un album poignant en plein cœur de l’actualité, à découvrir.
