L'histoire :
En 2014, Ali Shamden et Amir Phrast quittent leur petite Ville de Ranya dans le Kurdistan irakien, pour fuir un mariage arrangé et vivre ensemble. Il se réfugient d’abord dans une autre région, où Phrast accouche d’un petit garçon, Mohammed. Mais leurs familles retrouvent leurs traces, ils sont donc contraints de fuir vers la Turquie en 2016, alors que Phrast est de nouveau enceinte. Puis de là, ils rejoignent une île grecque. Les voilà en Europe, où ils espèrent être plus libres. Ils paient la traversée 5000€, puis poursuivent leur voyage sans destination précise. C’est en Allemagne que Phrast met au monde sa petite fille, Mawda. Mais leur demande d’asile étant refusée, ils sont contraint de poursuivre leur exil. Ils arrivent en France puis parviennent à gagner l’Angleterre, où vit une importante communauté kurde. Ils vivent quelques mois en sécurité, mais sont ensuite rattrapés par la procédure de Dublin : leurs empreintes sont répertoriées en Allemagne, c’est donc là-bas qu’ils doivent poursuivre leur parcours administratif. Or les refus d’asile s’enchaînent, et ils craignent d’être expulsés vers l’Irak. Alors ils fuient vers le Nord de la France, où ils tentent plusieurs fois de rejoindre l’Angleterre clandestinement. Ils tentent un nouveau passage depuis la Belgique dans la nuit du 16 mai 2018. Leur passeur masqué, en capuche, conduit une camionnette, qui est prise en chasse sur l’autoroute par la police belge. L’enchaînement des faits reste très flou, mais il aboutit à la mort par balle de Mawda, 2 ans. Une balle dont l’enquête opaque aboutira tout de même, fastidieusement, à déterminer la provenance : elle a été tirée depuis le revolver d’un policier belge…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est l’histoire d’un tragique « fait divers » lié à l’immigration clandestine, comme on en entend souvent aux infos. Mais c’est aussi l’histoire d’une enquête opaque, destinée à dissimuler la responsabilité des policiers par des magistrats belges dans la mort par balle d’une innocente fillette de 2 ans. A l’époque, les médias s’en étaient émus, et pointaient l’irresponsabilité des parents, aussitôt placés en garde à vue, comme le supposaient les premiers éléments de cet homicide fournis par les autorités belges. Les réseaux sociaux ont aussi largement amplifié et déformé les faits : les migrants se seraient servis de la tête de la fillette pour casser la vitre et elle serait morte lorsque son crâne aurait rencontré la chaussée. Quand on y réfléchit une seconde, cette version sordide est surtout débile. La communauté des migrants, les ONG et quelques journalistes ont alors crié au scandale… et après des années de procédures, d’autopsies et de révélations, il s’avère que c’est une balle policière qui a traversé le crâne de la fillette. L’histoire de ce scandale est ici narré dans le détail, avec moult allers-retours dans le temps, et dans les différentes versions, par le dessinateur belge engagé Manu Scordia. La narration un peu longuette, un peu répétitive, mais très complète (des détails et suites sont même précisés en annexe…) joue la partition classique du thriller judiciaire. Le dessin stylisé et noir et blanc n’est pas la plus value première de cet ouvrage surtout destiné à rétablir la vérité et rendre leur honneur à des parents dévastés. Évidemment, depuis lors, ces derniers ont été régularisés…
