L'histoire :
L'enfance de Moh' s'est arrêtée à 13 ans. On ne peut pas dire pour autant que ce môme représentait un danger pour les autorités israéliennes. Moh' n'avait aucune idée de ce qui allait l'attendre ; il n'était pas là pour changer la Cisjordanie en renforçant l’intifada proclamée deux ans plus tôt, et dont ses parents ne lui parlaient pas pour le protéger. Les mains dans les poches de son unique jean's, il venait de dire « à demain » à son meilleur pote de classe. Certes, il savait très bien que son père lui interdisait de traîner après l'école et encore moins de participer à des mouvements de rue. Mais il avait besoin de réponses et il avait fini par se laisser aller à la curiosité. Rejoignant une poignée d'homme, il lisait sur les pancartes « Free Palestine, Stop Stealing Palestinian Land Now ! »... Il ne s'agissait que d'un petit attroupement mais très vite, un adulte cria de fuir ! Trop tard pour Mohamed... Ramassé par des militaires, le voici un sac sur la tête, les menottes attachées à la main courante d'un escalier sur lequel il est assis depuis des heures. On lui refuse la possibilité de se soulager alors il finit par souiller son pantalon de l'urine qu'il ne peut plus retenir. Puis on veut lui faire avouer. Mais avouer quoi ? Il sortait de l'école ! Alors il prend huit mois. Huit mois de prison, quand on est mineur, mais suspecté d'activisme antisioniste...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A 40 ans, Cécile De Gemmis a créé, à Marseille, une association de théâtre, L'ouvreuse, destinée à promouvoir la création de projets professionnels et amateurs, de l'écriture à la réalisation. C'est dans la Cité phocéenne qu'elle a rencontré Moh', venu en France pour terminer son parcours universitaire par une thèse. Et de cette rencontre est née l'envie de raconter son parcours et cette expérience marquante qu'il connut. Avec sa centaine de pages, ce récit cru – mais jamais caricatural – permet de se décentrer sur les stéréotypes véhiculés au sujet du conflit israélo-palestinien. Le portait des parents de Moh', déracinés lors de l'expansion des colonies, leur abnégation, à moins qu'il ne s'agisse de renoncement, donnent à réfléchir. On trouve aussi, à la marge de l'adolescence de Mohamed, de nombreuses références historiques, qui sonnent également comme le rappel de la complexité d'une situation qui dure maintenant depuis un siècle. Bien sûr, on assiste effrayé à ce qu'a subi Moh', alors qu'il n'était qu'un gosse dénué de toute conscience politique. On le voit grandir à l'ombre de ce traumatisme. On voit même arriver le moment où il va se radicaliser... Mais là encore, le rôle des parents, l'importance primordiale qu'ils accordent aux études et finalement la maturité de Moh' lui permettent d'échapper au pire. Mais à quel prix ? François Begnez signe ici sa première BD et ses illustrations visent juste, en allant à l'essentiel : pas de fioriture. Ses portraits et sa mise en page sont minimalistes, comme pour mieux laisser la place aux émotions, le propos n'étant pas ici à la contemplation mais à la sensibilité et la réflexion. Un bouquin en forme de touchant témoignage.