L'histoire :
Par une journée ensoleillée de mai 1960, dans le sud de la France, Lucien est avec ses parents et sa mamie en fauteuil roulant, devant la tombe de son grand-père, qu’on est en train d’inhumer. Le curé dit une dernière prière, mais Lucien a trop envie de faire pipi. Il se sauve plus loin, pour se soulager derrière un arbre. En faisant cela, il aperçoit une petite fille assise sur une tombe, qui parle toute seule en jouant avec sa poupée. C’est Lili, la fille du fossoyeur alcoolique. Elle est persuadée de discuter avec les morts et détale à toutes jambes en voyant Lucien. C’est trop bizarre, les filles. Dans les jours qui suivent, Lucien retourne au cimetière avec sa mère et sa mémé, et retrouve Lili. La gamine est sauvage : elle le repousse en lui faisant croire qu’elle va inciter les morts à venir le hanter. A l’école, elle est le souffre-douleur de ses camarades… mais elle intrigue tout de même beaucoup Lucien. A force d’efforts, ce dernier finit par s’en faire une copine. Au cimetière, Lili lui explique alors que dans l’au-delà, les morts sont libres de se remarier entre eux. Ainsi, le papy Gaspard est désormais avec une certaine mademoiselle Lucette. Quand Lucien annonce ça chez lui, ça énerve bien la mamie acariâtre. Puis l’école de Lucien accueille un nouvel élève, Maurice, un petit expatrié d’Algérie – alors en pleine guerre d’indépendance – qui a des racines dans le village…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La Boîte à Bulle ressort Mon cousin dans la mort des oubliettes où il était tombé depuis sa première édition en 2001 chez Petit à Petit. Cette histoire de 62 planches – la première de François Duprat – ressemble a priori à une chronique enfantine, car les enfants en sont les sujets centraux. Mais elle s’adresse plutôt à un lectorat adulte en raison des thèmes évoqués : adultère, ressentiments, guerre d’Algérie, xénophobie, alcoolisme, chagrin dû à la perte d’un enfant… Ce véritable florilège de maux et d’aigreurs adultes nous parvient par le regard des enfants, par nature innocents, enthousiastes et réjouis, en dépit de la peinture sombre de leur entourage. Il ne s’agit donc pas exactement d’une énième dénonciation de la guerre d’Algérie ou d’une leçon sur l’acceptation de l’étranger, même si ces sujets intimement liés sont au cœur du propos. Il s’agit plutôt de montrer la propension des enfants tantôt à traduire les problèmes adultes en « échappatoires ludiques » (Lili joue à la dinette avec une morte) et tantôt à en souffrir tragiquement. Le dessin stylé semi-réaliste est quant à lui déjà parfaitement au point, limpide, régulier… et contrasté (par les couleurs de Denis Bernatets, qui datent de 2004). Bref, une première œuvre sérieuse, pénétrante et prometteuse, que la BAB fait bien d’exhumer !