L'histoire :
2013, Afrique du Sud. Comme elle le fait chaque matin, et après avoir promis à son compagnon de lui préparer à son retour un bon « mielepap », Nalaxa Zawabé gagne le poste de New Tsakane où elle est policière. Sur place, son chef lui propose de faire la lumière sur une affaire de vol dans un entrepôt. Mais aussi de faire le tri dans l’immense pile de dossiers qui s’entassent sur son bureau. Parmi eux, le relevé d’un prélèvement ADN effectué 2 ans auparavant sur les lieux du crime, concernant Noxolo Nogwaza, attire son attention. Certes, l’Afrique du Sud ne possède pas de base de données ADN, mais on pourrait tout de même s’en servir pour relancer les investigations. Son chef s’y oppose cependant avec véhémence. Il clame même haut et fort que la victime était une déséquilibrée qui a reçu une correction méritée. Une correction qui a certes mal tourné… Mais il ne veut plus en entendre parler et il demande à Nalaxa de refermer le dossier dans les plus brefs délais. Nalaxa fulmine. Son chef parle de correction, mais il s’agit d’un véritable massacre perpétré par plusieurs individus. Et ce, simplement en raison de l’orientation sexuelle de Noxolo. Une chose est sûre en tout cas : Nalaxa est bien décidée à ne pas laisser tomber.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Noxolo inaugure une toute nouvelle collaboration entre La Boite à Bulles et Amnesty International avec, pour objectif, de porter les problématiques soulevées par la célèbre ONG. La thématique qui anime ce poignant récit est celle de l’homophobie poussée dans les plus abominables et les plus extrêmes de ses retranchements : le viol collectif, l’assassinat, voire le massacre d’individus en raison de cette orientation sexuelle. L’Afrique du Sud, « la nation arc-en-ciel » où cette histoire nous emmène, est à ce titre un pays particulièrement paradoxal. Il a en effet été le premier en Afrique (et le 5éme dans le monde, bien avant la France) à légaliser pour les homosexuels le mariage, le droit d’adopter ou de servir dans l’armée. Cependant 80 % de la population considère les gays et les lesbiennes comme des non-africains. Et le viol « rééducatif » (« on va te montrer que tu es une femme ! ») est devenu monnaie courante. Noxolo Nogwaza n’est pas un personnage de fiction. Militante active de la cause homosexuelle à Kwa Thema, un township à l’est de Johannesburg, elle a été violée, battue à mort et jetée dans un fossé en avril 2011, à l’âge de 24 ans. A ce jour, aucune enquête sérieuse pour tenter d’arrêter ses agresseurs n’a été véritablement effectuée. Alimenté par ce fait divers sordide et nourri par un texte particulièrement émouvant de Marc Lévy (rédigé pour Amnesty International en décembre 2012, en hommage à l’engagement de Noxolo, et restitué ici en postface), Jean-Christophe Morandeau se livre à un exercice à mi-chemin entre le documentaire d’info engagé et la fiction. Il confie à une policière du fameux township le soin de « déterrer » cette affaire pour lui permettre de confronter les éléments du paradoxe – énoncés un peu plus haut. En parallèle, il alimente copieusement son récit d’informations documentées, pour nous permettre de cerner au plus près l’ensemble de la problématique. L’objectif est parfaitement atteint, en particulier pour ce qui est de pousser à une saine prise de conscience. L’emprise du ton documentaire éloigne peut-être un peu d’une complète empathie. Mais à l’inverse, la puissance du noir et blanc véhicule beaucoup d’émotions. Un bel ouvrage.