L'histoire :
Septembre 1942… Après une période de convalescence passée dans sa famille à Cazeau, Jacques retourne vivre chez son père à Bordeaux. Son frère Marceau ne l’a pas suivi et c’est donc seul qu’il retrouve ses copains, son père et ses collègues des « ateliers italiens ». Très vite, l’odeur de ferraille et d’huile de moteur recommencent à lui chatouiller le nez. Ainsi que les réprimandes du contremaître qui le bassinent de « il va falloir mettre les bouchées double, mon garçon, et rattraper le temps perdu ! ». Du coté des copains, on s’attarde aux terrasses des cafés pour évoquer l’appel du 18 juin 40 fait par le Général de Gaulle en fuite en Angleterre. Jacques n’en n’a pas entendu parler, mais l’idée de résister n’est pas d’actualité : il se souvient de son copain Pedro, fusillé… Pour autant, il n’a guère de sympathie, ni pour l’envahisseur, ni pour la pénurie alimentaire qu’il a organisée. Et ce n’est pas l’arrestation arbitraire dont il est victime qui va le faire changer d’avis : conduit à la Kommandantur, il est contraint de baisser son pantalon pour faire la démonstration qu’il n’est pas de confession juive. En octobre, c’est au tour de Marceau de revenir à Bordeaux. Mais passée la joie de se retrouver, il faut rapidement déchanter : Marceau est de retour pour dire au revoir. Il doit partir dans l’heure suivante en Allemagne pour le Service de Travail Obligatoire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En fermant ce diptyque, Bruno Loth ponctue (peut-être temporairement…), cet impeccable travail de Mémoires entamé avec Apprenti et alimenté par la jeunesse de Jacques, son père. Contextes d’Avant-guerre et Occupation auront confié aux récits une teinte particulière pour laquelle l’Histoire frappe de sa patte de bout en bout. Pour autant, si l’ensemble livre une photographie parfaite de l’époque traversée en mettant l’information historique à hauteur de réalité et de quotidien, l’essentiel offert n’est pas là. Ce qui capte avant tout – et en particulier dans ce tome 2 d’Ouvrier – ce sont les premiers pas de Jacques dans sa vie d’Homme, le personnage central. Certes, on y découvre Bordeaux et Paris sous l’Occupation, les camps de travail, le STO, les pilonnages des Alliés, le rationnement, les timides désirs de résistance ou les perfidies nazies… Mais l’ensemble est à la fois traité sans dramaturgie, sans velléités épiques, sans héroïsme mensonger et avec une force réaliste voire fataliste qui force le respect. Et qui correspond sans doute au vécu de la majorité des français sous l’Occupation. Aussi, se surprend-on à voir vivre Jacques presque ordinairement, porté par des aspirations personnelles qui ne lui font pas oublier les difficultés, peines et douleurs de l’instant, mais qui le font s’épanouir totalement. On monte à Paris pour voir une finale de Foot, on se balade à la campagne, on va au ciné et surtout on tombe éperdument amoureux… Habile, réaliste, sensible et d’une justesse touchante, ce 2éme volume se révèle donc particulièrement efficace et attachant. Il rend en particulier un bel hommage à des vies simples confrontées, sans rien avoir demandé, aux excès de l’Histoire.