L'histoire :
Septembre 2013. La Syrie est ravagée par la guerre. Selma est une réfugiée palestinienne qui n'a pas d'autre possibilité, si elle veut survivre avec son mari et ses enfants, de fuir à nouveau. Parmi environ 70 autres migrants, elle embarque dans un bateau qui la conduira en Italie. Mais pendant la traversée, elle se blesse très gravement : trauma crânien. Quand elle arrive à destination, elle est vivante, mais ses jours sont comptés. Parmi les docteurs, Hasan est néphrologue et accessoirement interprète. Pour les réfugiés, la plupart du temps épuisés et désorientés, entendre la lange natale est déjà une forme de réconfort. Pourtant, Hasan ne pourra pas réconforter Selma, ni son époux, ni ses enfants. Quelques jours après son admission, l'électroencéphalogramme est plat. L'hémorragie liée au trauma a été fatale. Sans que le staff médical ait eu à négocier, la famille accepte de faire don des organes de Selma. Trois patients italiens pourraient en bénéficier. L'un est curé, l'autre soldat réformé et une jeune femme, malade des reins depuis sa naissance...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ugo Bertotti est connu des lecteurs de L’écho des savanes, au sein duquel fut publié Marina, et de ceux qui se procurent Métal Hurlant. Après Le monde d'Aïcha (éditions Futuropolis), qui relatait le quotidien de femmes yéménites, il propose un nouveau récit « humaniste », qui ne laissera pas le lecteur indemne. Approché par un Professeur en médecine qui lui a demandé de faire une BD sur le don d'organe, voici que l'auteur italien s'est embarqué dans un nouveau témoignage d'histoires de vie. Car c'est ici l'histoire de la transmission de la vie, au-delà de la mort. Cette histoire, de son propre aveu, c'est « une histoire sur les gens, leurs souhaits, leurs espoirs et leurs peurs ». Et si les prénoms sont ici fictifs, ils dissimulent l'histoire de vraies personnes. Celle d'une femme migrante qui meurt après un trauma crânien survenu lors de son voyage en bateau. Celle de sa famille musulmane qui n'hésite pas une seconde à faire don de ses organes, là où on prétend que les personnes de confession musulmane refusent, le corps étant sacré. Celle de ceux qui ont attendu des années qu'une greffe leur soit proposée, quand durant ce temps ils suivaient des traitements lourds. Avec une grande pudeur, il relate le parcours de Selma et des trois personnes qui vont recevoir ses organes, pouvant à nouveau revivre... Certes, le sujet est grave, mais il n'est pas traité de façon morbide. Au contraire, en quatre chapitres, pour autant de personnages, on parcourt ce témoignage et on ressent une montée en puissance de l'émotion. Ces gens, que l'auteur a rencontrés, à savoir la famille de la défunte et les bénéficiaires des dons d'organes, ces gens sont beaux. Et c'est toute cette beauté humaine qui est mise en textes et en images avec, comme point commun, la sobriété, la simplicité. Inutile de faire dans le superlatif, on peut vous garantir que ce genre de bouquin ne s'oublie jamais et qu'une fois acheté, on le conserve comme un trésor. Un trésor d'humanité.