L'histoire :
Au pied d'un arbre et sur la rive d'un cours d'eau, un jeune homme dessine. Un enfant se présente à lui et lui demande, tout naturellement, pourquoi il fait ça ? L'adulte comprend tout de suite qu'une réponse d'une phrase ne suffira pas à satisfaire la curiosité du môme, car les explications ordinaires ne font pas le poids face à l'innocence d'une vraie question. Alors il commence par lui dire sa vérité : cela fait quarante ans qu'il dessine et il ne sait toujours pas vraiment pourquoi. Pas plus qu'il ne sait pourquoi n'importe qui dessine. Pour comprendre pourquoi les premiers hommes ont dessiné, il serait peut-être utile de remonter la rivière des traits jusqu'à sa source. Les voilà donc tous les deux sur une petite barque et ils remontent le courant, pour revenir en arrière dans la longue histoire unissant les hommes et leurs œuvres, jusqu'à la première fois, pour découvrir qui a tracé le premier dessin et surtout pourquoi ? Pline l'Ancien nous dit que ce fut une femme qui, la première, traça le contour du visage d'un homme, en Grèce, mais bien avant l'Antiquité. Et que ce fut un acte fou d'amour...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Etienne Appert a bossé plus de 15 ans dans le consulting et le management. Puis il a concilié son savoir-faire pour l'entreprise avec son savoir-faire artistique. Après une première BD, La femme de l'Ogre, qui nous livrait les souffrances et le tiraillement moral de l'épouse du monstre du Petit Poucet, il enchaîne divers projets, dont un qui fait boum ! Il illustre le bouquin de Frédéric Laloux, Reinventing Organizations : 100 000 exemplaires vendus dans le monde ! Cette fois-ci, avec Rivière d'encre, il nous embarque dans un récit aussi apaisant que profond, avec des couleurs douces (souvent), le bleu, mais aussi le noir. Ombre et lumière, mystères de la création, amour et désespoir s'y côtoient, avec une alternance équilibrée entre la profondeur et la légèreté des sentiments. L'auteur se met en scène dans une quête où le chemin importe peut-être plus que les réponses, qu'on finit toujours par trouver, malgré tout, par la force du travail et la volonté. Il mêle aussi à ce parcours initiatique un enfant, ainsi qu'un homme « des temps anciens ». Si le destin de chacun les met tous à l'épreuve, ils partagent également un même enjeu : laisser une trace visible par d'autres, une fois le cycle de leur vie prenant fin, transmettre... Faisant preuve d'une grande humilité, alors même que la narration graphique est totalement maîtrisée, Etienne Appert nous embarque dans son voyage poétique et profondément humaniste. Un périple qu'il trace pour le lecteur. Alors on se laisse filer sur le courant de sa Rivière, apaisé et saisi par la beauté de ses étapes, qui renferment aussi le reflet qu'on perçoit dans son cours d'encre : l'Harmonie. Rivière d'encre, c'est le dessin qui vous ouvre aux autres sens et vous rappelle qu'il figure aussi l'essentiel de la vie. Avec ce livre, où Baudoin et François Bouq jouent leurs propres rôles, on n'a rarement pris autant conscience que le dessin est avant tout un acte d'amour. Le vrai grand bleu, celui qui relie la Terre et le ciel, il est dans cette Rivière...
