L'histoire :
Le jour où ses parents ont décidé de se séparer, le papa de Benjamin le prend à part dans sa chambre, après avoir fini de faire ses valises. Il lui dit alors quelque chose qui lui semble super important : il doit pas oublier qu’il est et qu’il restera toujours juif. Et qu’il doit en être fier. Benjamin reste circonspect : ça veut dire quoi ? Qu’est-ce que cela implique, exactement ? Son papa lui cite alors plein de gens célèbres qui sont juif, parce que tous les grands hommes sont juifs. Et pour trouver un exemple à son niveau, même Superman est juif ! (puisque ses créateurs le sont). Dès le lendemain, Benjamin court à la récré avec une cape rouge sur le dos et en criant fièrement « Je suis juif ! ». Les subtilités de cette condition s’embrouillent pourtant en lui. Notamment ces rituels culinaires et religieux, du côté de son père, qui se font dans une langue inconnue. Ou lorsqu’il découvre en faisant pipi à côté de ses camarades, qu’il lui manque un bout de zizi (il est circoncis), il s’insurge ! Pourquoi ses parents lui ont-ils imposé pareille humiliation ? Heureusement, sa mère est catholique et elle lui explique qu’il n’est donc pas tout à fait juif. Comment Benjamin peut-il grandir, tantôt en masquant, tantôt en tirant bénéfice de toutes contradictions ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce one-shot aujourd'hui réédité par la BàB, l’auteur et cinéaste Jimmy Bemon aborde ses origines sociales et religieuses à travers une habile autofiction infantile. A l’aide d’une voix-off à la première personne, il met en effet en scène un alter-ego enfant de lui-même, né d’un père juif et d’une mère chrétienne. Dès leur divorce, qui intervient après son âge de raison, ce petit héros se retrouve tiraillé entre ces deux cultures, en proie à la construction de son identité. Visiblement, le poids de la religion juive est trop lourd pour ses frêles épaules et surtout, indéfini. Souvent, lorsqu’un auteur cible à dessein la judéité, il marche sur des œufs : à la moindre prise de partie, il n’est pas à l’abri d’un soupçon antisémite, ou inversement il risque d’accréditer la théorie du complot judéo-maçonnique. Avec une approche laïque, en immersion de son sujet, la plupart du temps en mode humoristique (léger), Bemon trouve la juste distance d’une analyse ni prosélyte, ni superflue. Il faut dire que son héros dispose d’un double atout : il est lui-même demi-juif et c’est en tant qu’enfant qu’il se pose toutes les questions essentielles sur cette condition. Or, nul ne peut reprocher sa naïveté à un enfant du cru ! Ce processus intellectuel et initiatique lui permet ainsi de brosser moult paramètres de cette question qui parait simplette et qui pourtant ne l’est pas : être juif, ça veut dire quoi ? Au fil de sa croissance et de ses expériences, Benjamin-Jimmy va finir par se forger une conviction personnelle et pourra s’affranchir de ce particularisme. Tendre, simple et moderne à la fois, le dessin est assuré par Emilie Boudet et s’inscrit dans un découpage sans bordure de cases.