L'histoire :
Avril 1975. Vann Nath est un jeune homme, bien que cela fasse déjà 10 ans qu'il peint. Phnom Pen est envahie par des cohortes de jeunes hommes, habillés en noir et tous lourdement armés. Des coups de feu retentissent par dizaine. La guerre civile est finie... Les partisans communistes cambodgiens ont eu raison du Général et du Premier Ministre Lon Nol, soutenu par les américains. Vann est évacué comme tous les autres. Le pays s'appelle désormais le Kampuchea et le Parti Communiste se désigne comme l'Organisation, l'« Angkar ». Vann rejoint sa femme et son fils. Mais quelques jours après, les Khmers Rouges le recherchent. Il est accusé de contact immoral et prié de monter sur une moto sans opposer la moindre résistance. Le paysage défile et il comprend, en traversant un dernier village désert, qu'il va être interné au camp 21...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 44 mois qu'a duré le régime des Khmers Rouges, on estime qu'entre 1 cambodgien sur 5, à 1 sur 3 a perdu la vie. Derrière ce chiffre effrayant, ce sont entre 1,5 et 2,2 millions de morts dont le régime complètement fou de Pol Pot est directement responsable. 60% ont connu une « mort violente », un terme qui masque en réalité assassinats et tortures. Et ne croyez pas qu'une balle dans la tête était la règle. La règle, c'était d'assommer d'abord les prisonniers qu'on réunissait pour l'exécution. Un groupe électrogène était alors allumé pour que son bruit couvre la conversation des soldats assassins, qui échangeaient préalablement sur la façon dont ils allaient exécuter leurs basses œuvres. Et une fois assommé, le coupable désigné était égorgé. Les Khmers Rouges, c'est 1,3 million de corps exhumés de 25 000 fosses communes découvertes après la chute du régime. La règle, c'était qu'un prisonnier doit être exécuté, parce que « l'Angkar n'est pas stupide, elle n'interpelle pas d'innocents ». La règle, c'était que les enfants des traîtres devaient être tués, pour qu'ils ne puissent pas grandir dans le désir de se venger. Et les enfants, on les tuait devant leur mère, en les projetant contre un arbre... Vann Nath a été victime des Khmers Rouges, mais il n'a survécu que parce que ses bourreaux ont considéré que les peintures des responsables du Parti, qu'on lui demandait de faire, étaient correctes. Il a été interné plus de 4 ans dans un camp qui a compté environ 20 000 prisonniers. Seuls sept adultes et cinq enfants y ont survécu. Alors chaque jour, après la chute du régime, il a regagné le camp S-21, laissé à l'abandon, pour peindre les scènes de la barbarie quotidienne qui s'y déroulaient. Vous l'avez compris, le livre que signent Matteo Mastragostino et Paolo Castaldi est de ceux qui vous choquent, qui vous retournent les tripes, tant il met en évidence la réalité de l'horreur de ce régime. Le récit rend un hommage émouvant à ce peintre qui vécut tout le reste de sa vie à témoigner, quand les dessins, particulièrement sobres, laissent toute la place aux émotions. Quelques-unes des ses œuvres sont reproduites dans un cahier de fin d'ouvrage et tout le sens de la démarche de cet artiste prend corps : que les jeunes de son pays n'oublient jamais. Que l'Humanité toute entière se souvienne.