L'histoire :
Fabrice est un auteur de BD timide et pâtissant de quelques soucis de communication. Il a 34 ans, il est papa de deux filles, et peine à assumer ce statut de parent adulte responsable. Par exemple, quand il est seul chez lui, plutôt que d'avancer dans son travail, il lui arrive de s'emparer d'un manche à balais comme d'un micro de rock-star et de se livrer à une prestation de scène déjantée. Il se souvient de plus en plus avec nostalgie de sa jeunesse insouciante et idéaliste. Lorsqu'en pleine manif étudiante contre les lois Pasqua de 95, la caméra d'un journaliste l'avait choisi lui, sans doute le pire porte-parole qui puisse exister sur Terre, pour témoigner. Lorsqu'un auto-stoppeur embarqué au bord d'une route, lui avait donné pour la première fois du « vous » à la place du « tu » auquel il était habitué. A cette époque, vu son cursus universitaire, tout le monde insiste pour que Fabrice passe son concours de prof. Mais lui tient bon : il veut rester auteur de bande dessinée, même si c'est pas payé. Comme souvent, il sort un super argument tout cuit de son chapeau : il a un super projet (invisible)...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans un premier recueil d'humour autobiographique (Le steak haché de Damoclès), Fabcaro expiait ses sévères problèmes de communication. Voici qu'il remet ça avec Droit dans le mur, selon une méthode formelle identique : des historiettes utilisant un dessin caricatural simple en noir et blanc, reliées au sein d'un fascicule souple. Fabcaro creuse ici plus en détail ses pathologies sociales, telles que l'incapacité à dire non, la peur phobique des papiers administratifs, des magasins de meubles, sa difficulté à assumer le métier d'auteur de BD, son tempérament hypocondriaque, son angoisse de vieillir et de perdre ses idéaux de jeunesse. C'est d'ailleurs cette dernière thématique qu'il met en situation en couverture, avec un Fabcaro jeune et un autre adulte, tous deux paniqués dans la foule. Sans doute partiellement exorciste, cet exercice de bande dessinée cathartique s'avère une nouvelle fois très drôle et concerne tout le monde, dans le sens où il surligne des troubles certes exacerbés, mais néanmoins enfouis en chacun de nous L'auto-dérision demeure le cap, rythmée avec un réel talent pour la mise en situation, le sens de l'absurde et de la chute. L'auteur livre même une historiette mettant en abime le premier volume, qu'il peine à assumer auprès des proches précédemment mis en scène. Ces derniers n'ont pas fini de lui en vouloir car Fabcaro poursuivra cette même veine autobiographique sur quelques autres opus...