L'histoire :
Un homme avance sur le chemin de sa mort. Il déteste les villes, « impersonnelles et ultra modernisées, construites sur les décombres industriels, où le paraître est plus important que l'être »... Lieu d'une aliénation mentale, la ville nous fait perdre nos âmes. Un jour, il décide de tout quitter pour se replonger dans les abîmes de son passé, fait d'illusions, de temps perdu, d'occasions manquées et d'amour destructeur. Alcool, cyberespace, traversée de mondes virtuels sans chair, sans vie, et l'impossibilité de combler le vide par l'art. Retour aux souvenirs pour échapper au monde des représentations et, peut-être, tenter de retrouver le sens du réel en comprenant pourquoi on est déjà mort... Quand on a oublié de vivre, on se perd, au point de devenir des monstres... Telle une ombre qui guette, la mort était déjà à l'affût...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Etre mort publié dans la nouvelle collection de la 5ème Couche Point Métal, s'avance comme un monologue intérieur philosophique, logiquement sombre et noir puisqu'il relate les souvenirs et le passé d'un homme conscient de ses échecs et du néant, devenu monstre pour avoir oublié de vivre. Etre mort, c'est procrastiner, perdre son temps, louper l'essentiel, éprouver le vide et le manque, se confronter à la vanité de nos existences. Cérébral et d'une noirceur introspective, le texte littéraire est porté par une voix continue tantôt fine, tantôt plus convenue, dansante et presque moqueuse, toujours stimulante. Belle analyse de l'aliénation et du monde évanoui dans la représentation, il faut toutefois s'accrocher et prendre son temps pour laisser infuser. A la fin, reste la douloureuse beauté d'un corps et une fatalité insaisissable, symbole d'une vie passée à être le fantôme de soi-même. Graphiquement, le résultat détonne. Fait de hachures et d’encrages en tout sens, le trait bâtit surtout un décor ou une toile de fond au propos, dans une veine de plus en plus symbolique et flippante vers la fin, le point de non retour, la mort physique et mentale. Voilà le genre de bouquin a priori invendable parce qu'il nous parle du réel frontalement, sans complaisance, parce qu'il ne cherche jamais à ménager son lecteur. Mais tente de le réveiller lui et sa conscience, endormis sous des kilos de modernité. Quête de vérité, expérience de l'abîme, appel à une existence plus incarnée et plus lucide, Etre mort voudrait sans doute faire de la vie non pas l'exception mais bien la règle. Histoire d'assumer enfin notre condition d'être mortel.