L'histoire :
La maison est déserte, les meubles sont seuls. Dehors, les feuilles tombent sur un sol tourbeux, dans l'anonymat d'une terre balayée par les bourrasques de vent. M. Espoir n'a jamais été aussi désespéré. Et ce n'est pas le cui-cui d'un oiseau qui réenchante son quotidien. Toujours perdu au fin fond de sa campagne finnoise, il file toujours le parfait spleen au milieu des arbres, entre les lacs gelés et sa triste bicoque. Lorsqu'il se réveille – ou est-ce un mauvais rêve ? – sa petite femme a disparu. Est-elle tombée dans le puits ? Est-elle tombée du lit ? S'est-elle perdue ? A-t-elle été assassinée ou est-elle partie pour de bon ? Réduite en esclavage ? Séduite par un bel étranger ? Autant de questions existentielles auxquelles M. Espoir va devoir trouver des réponses pour échapper à un quotidien d'une tristesse infinie. La quête paraît vaine, mais l'existence sans fin. Raison de plus pour continuer à vivre et à espérer... Car « tout chagrin se change en joie, tout pleure tourne au rire, tout travail en un jeu d'enfant »...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tommi Musturi a été lauréat du prix de la bande dessinée alternative au festival d'Angoulême 2005. Et pour cause : il développe avec sa série des M. Espoir un sillon magnifiquement désespéré, mais d'une beauté plastique rarement égalée, dans une veine pessimiste à la Schopenhauer. Lieu d'une volonté aveugle, le monde de M. Espoir est absurde et ennuyeux, caché derrière les apparences et seulement accessible par l'intuition et les sens (voir les champignons bariolés). Pour animer cette existence sans avenir, il faut imaginer une romance contrariée, seul remède à la léthargie. M. Espoir se lance alors dans une quête qui, avant d'avoir commencé, est déjà vaine et illusoire, d'autant plus que le temps semble s'étirer pour l'éternité, langoureux et imprescriptible, tandis que sa femme n'est peut-être qu'un mirage. Il est aussi confronté à la mort, au désespoir, à l’ennui, à la solitude, ou est soumis à la fatalité du temps qui passe, dans un paysage de fin de monde porté par le flot de ses pensées philosophiques morbides. Mais l'auteur ne se contente pas de dérouler gratuitement une métaphysique de la déprime. Il suspend aussi son récit par une magnifique alchimie des contraires et des couleurs (« la vie est dans la lumière, sa source dans l'obscurité ») entre le froid glacial d'un lac et l'incandescence d'un trip sous LSD, entre une morne campagne bucolique et la gaieté d'un arc-en-ciel voltigeur, offrant une esthétique cartoonesque de toute beauté, à rebours du ton délicieusement noir et crépusculaire. Loin d'être complètement déprimant, Musturi ne fait que placer son anti-héros sur la voie du salut. Si chacun est condamné à la souffrance ou à la solitude, l'auteur préfère choisir le chemin « d'un vouloir-vivre » libérateur. La BD faite art, ici, s'offrant alors aux yeux du lecteur comme contemplation esthétique désintéressée du monde, proprement envoûtante. Auteur plutôt confidentiel, Tommi Musturi prouve une nouvelle fois que ses BD, à la fois sensibles et conceptuelles, peuvent être belles et intelligentes tout en étant accessibles.