L'histoire :
Sa maison brûle, lui est devenu un clone d'Hitler, un Président des Etats-Unis, un cochon, l'allégorie de la mort et même un suicidé... Ouf, ce n'était qu'un rêve. Pourtant, tout cela lui a semblé étrangement réel, allez savoir pourquoi. Au matin, M. Espoir, pour qui la vérité peut se cacher n'importe où, vaque à ses occupations ordinaires, lit le journal, mange une banane. Et repense à l'enfance, à la jeunesse, lorsque les lourds soucis de l'âge mûr n'existaient pas. Tout lui paraît petit désormais. La maison construite par son père à la fin de la guerre est quant à elle solidement bâtie, contrairement à la vie, fragile et incertaine. La journée est belle : l'herbe humide, le goût du café, les trèfles en fleur, l'odeur et le calme plat du lac avant qu'une pluie fine ne rafraîchisse l'air... Puis M. Espoir sombre dans un sommeil sans rêves...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une scène incendiaire ouvre l'opus : la maison de M. Espoir est en feu ! Suivie de portraits où il s'imagine en roi mage, transsexuel, fasciste, Président des Etats-Unis, suicidé... Belle entrée en matière. Toujours dans sa Finlande champêtre coincée entre une forêt et un étang, notre héros lit le journal, fait la sieste, se gratte les fesses, part en balade, boit un petit verre de gnôle ou fait les courses. Il rêve aussi de cow-boy implacable, de bateau coulé, sauve des petits oiseaux et s'interroge sur le souvenir de l'enfance, le passé de la maison familiale, la chance d'être à deux, le sens de l'existence (« Quelquefois, je pense que je n'existe pas »)... Contre toute attente, malgré un pessimisme latent et des rêves de jeunesse évanouis, M. Espoir semble plus heureux qu'à l'ordinaire face au ciel nocturne, à l'eau calme, à la journée qui s'annonce. Toujours confronté à la mort et à l'espoir dépressif, il fait néanmoins corps avec la nature en une symbiose magique et crépusculaire, narguant son ombre et même la mort par ses pensées philosophiques frappées au coin du bon sens. Encore étincelante, la BD de l'auteur finlandais Tommi Musturi s'avance comme un « précis de sérénité métaphysique », drôle et noir, porté par la beauté et la virtuosité d'un graphisme contemplatif, offrant une vision du monde intimiste et détachée des contingences matérielles pour mieux respirer la dimension organique du monde. Par un joli pied de nez visuel, Musturi refuse de sombrer dans le désespoir ou la résignation, pour lui préférer une esthétique du songe tout en bichromie. Là encore, sans faire la leçon et tout en s'adressant aux sens et à la raison, l'auteur invite à la lucidité, à la sagesse et au recueillement, dans une superbe et intelligente ode à la vie, sorte de méditation suspendue qui est aussi une variation sur la vanité de l'existence. Désespéré, mais beau et envoûtant !