L'histoire :
Des traducteurs et des linguistes de tous horizons se retrouvent lors d'une réception donnée dans une somptueuse résidence à la campagne. Tous attendent avec impatience l'arrivée de la Bairischa Geisha. Dans toutes les langues, du français au grec, en passant par l'espagnol et l'arabe, les convives discutent des vertus de la traduction et des problèmes inhérents à leur dévoilement mutuel. Dans une ambiance mondaine, l'inquiétude grandit à mesure que la Geisha s'absente...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Shift, dernier né de la nouvelle collection Point Métal de la Cinquième Couche, est à l'origine une performance sur la traduction jouée pour la première fois à Munich en 2008. Sans doute très intéressante, la « BD » est en revanche impossible à lire. Pas sûr non plus que Nelson Monfort himself soit capable de tout saisir. Et pour cause, on a le droit ici à des phrases en espagnol, allemand, grec, hongrois (?), chinois, arabe et, si, quelques phrases en français. Vous n'avez rien compris, c'est normal. La fiche officielle de l'éditeur précise les choses : « L'ensemble de la bande dessinée forme un tout crypté. Une traduction fidèle est encore une trahison, à moins qu'elle ne révèle l'absente ». En gros, rien d'affolant, il n'y a rien à comprendre (« un tout crypté ») sinon qu'un « shift » en traduction (un décalage ou un déplacement sémantique ici) induit une perte de sens. Elle serait donc « un pari intenable » qui « échappe à nos tentatives de séparer la forme du fond, comme si elle était d'essence musicale »... La préface de deux pages en français et en allemand, placée en postface, est d'ailleurs passionnante. Le mieux est encore de se reporter aux explications de l'éditeur, beaucoup plus claires que le livre lui-même, « lu » en trois secondes et qui vaut uniquement par tout ce qui n'est pas de la BD, à savoir la préface qui traite des problèmes de traduction et de l'inévitable perte de sens qui en découle (« Il ne nous reste alors qu'à faire le deuil d'un impossible rêve : la traduction parfaite »...). Mais là, on est alors davantage dans l'essai théorique. Le rendu graphique, à l'ordinateur et peu détaillé, aux couleurs grisonnantes, est quant à lui peu engageant. Sans faire l'effort de lire la préface et la fiche de l'éditeur au préalable, difficile de comprendre quoi que ce soit au livre. Mais c'est là, semble-t-il, le principe ! Shift, ovni cérébral hermétique en forme de réflexion sur les limites de la traduction, a au moins ce grand mérite de susciter le questionnement, à défaut de donner à comprendre. C'est déjà ça...