L'histoire :
« Tout accepter. Bouger toujours. Aucune crainte. Aucune espérance. Rester pur. Faire attention ». Voilà en quelques mots la philosophie de vie de Samuel, petit ectoplasme blanc cyclopéen qui traverse l'Histoire et les matières avec une insolente facilité. Une planète, un Big Bang, des arc-en-ciel plein la tête et la clope au bec, il avance, joue, expérimente, se repose, fait des rencontres inédites et traverse le temps insouciant, seulement préoccupé de liberté et de calme. Autour de lui, des mondes parallèles et colorés, des guerres, des croisades, des ptérodactyles, des plantes vivantes, le néant ou le désert, la forêt ou la neige, des marées noires et des silences, la mort et l'éclair. Beaucoup de silence et tant de choses à contempler. Avancer sur les pas de Samuel, c'est prendre le risque d'être enfin libre...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Décidément, l'actualité du finlandais Tommi Musturi est chaud-bouillante. Après l'excellent Quart livre de M. Espoir et en attendant Beating fin mai, l'éditeur belge la 5ème couche réédite le tout aussi bon Sur les pas de Samuel (2010) accompagné d'une magnifique jaquette-poster pour l'occasion. Récit entièrement muet tout en couleurs, on y côtoie un petit ectoplasme blanc aux allures de fantôme évoluant dans des mondes parallèles, tour à tour psychédéliques, surréalistes ou oniriques, à la manière de Jim Woodring. En quelques pages, il installe un univers fascinant, qui happe aussitôt un lecteur libre de son interprétation, d'autant plus que Samuel est inexpressif. Les teintes vives et douces, légères et aériennes, et très contrastées, nourrissent une fantaisie psychédélique envoûtante, l'album baignant constamment dans une contemplation désintéressée du monde propice au recueillement et à l'ascèse. Métaphore du paradis perdu, décor d'une quête généreuse et tranquille, le monde de Samuel est versatile, achronique et d'une plasticité à la mesure de l'œil curieux et alerte, celui de Samuel qui se confond évidemment avec celui du lecteur. Sans oublier une pointe d'ironie noire et moqueuse, toujours là pour nous rappeler la cruauté du monde et la vanité de l'art. Mais, par un joli pied de nez visuel, Musturi refuse d'y sombrer en faisant voyager son héros libre, insouciant et imperturbable, dans un monde édénique via une sublime esthétique du rêve portée par des couleurs chatoyantes. La lisibilité du trait et sa simplicité étant stupéfiantes, pas trop loin d'un Chris Ware. Autre grande qualité : la place laissée au lecteur, libre de construire lui-même le récit, aidé par un ectoplasme sans émotion, parfait support de projection. Seule limite peut-être, la capacité de chacun à s'adapter aux silences, aux non-dits et aux images muettes et à se laisser bercer par le rythme indolent. Véritable ode à la liberté, Sur les pas de Samuel est un voyage cosmogonique de toute beauté où se déploie tout le talent de Musturi, auteur hélas encore trop méconnu. Vivifiant, apaisant et propre à nous faire rêver.