L'histoire :
Les anciens animaux racontent à leurs cadets l’histoire de la fuite des hommes vers l’espace. Jadis, les animaux vivaient sous le joug des humains. Ces derniers les chassaient pour se nourrir, se vêtir ou ils étaient torturés et tués parfois pour le plaisir. Mais les humains ont tellement abimé leur planète qu’elle était devenue invivable pour eux. Ils sont donc partis vers les étoiles pour habiter un autre monde et ils ont abandonné la Terre aux animaux. Sans la présence des humains durant des milliers de générations, la Terre a pu se soigner et guérir d’elle-même. Dans un lointain futur, la vieille-mère des lycaons propose à la jeune lycaonne Nyelle de lui succéder à la tête du clan. Elle a prouvé sa valeur à la chasse et son intégrité lors d’un « entretien ». Nyelle est cependant en deuil de son ami Ortag, tué par un coup de bec d’un volatile géant, et elle hésite. Elle est prise à partie par des rivales, lorsque soudain… une soucoupe volante les interrompt ! Depuis le promontoire où elle se trouve, Nyelle assiste au retour catastrophique d’une mission humaine sur Terre. Le vaisseau est attrapé par les lianes des « gardiennes » et il se crashe dans la forêt. Nyelle s’approche. Deux humains en combinaison s’en extraient, portant un troisième blessé. Leur technologie semble très avancée… mais pas suffisamment pour empêcher les gardiennes de les « avaler », eux et leur vaisseau. Les deux humains valides sont ensuite recrachés de l’humus, nus et démunis face à cette nature hostile et inconnue…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour les rares et suisses éditions La joie de lire, Patrick Mallet (au scénario) et Tom Tirabosco (au dessin) proposent un étonnant récit d’anticipation naturaliste, en tout cas pas comme les autres. Les 5 premières planches nous plantent un contexte radical : devenue invivable pour les humains qui l’ont trop polluée, la Terre a été rendue pendant plus de 1000 ans aux animaux. L’espèce dominante dont nous aurons le point de vue est un clan de lycaons (un canidé carnivore, entre le chien sauvage et la hyène). Et plus particulièrement, le point de vue de la lycaonne héroïne Nyelle, courageuse et réfléchie, amenée à devenir la cheffe de son clan. Elle assiste au retour surprise sur Terre des humains (entre temps, ils avaient évidemment colonisé Mars !). Or plutôt que de les combattre, comme l’exigerait la loi des lycaons – les humains représentent un péril extrême pour tous les animaux – elle les observe, les comprend et les assiste dans leur intégration vertueuse. Ce qui est la preuve d’une sagesse largement contre-nature (et coupable au regard des siens !), mais ce qui participe au registre de la fable naturaliste et de la philosophie panthéisme (Dieu est la nature) qui se dessine progressivement. Sur une gamme restreinte de couleurs, le dessin aux traits épais de Tirabosco fait évidemment une large part aux animaux, à leurs palabres et expressions anthropomorphes. Il en ressort une forme de conte empreint de philosophie et de prospective naturaliste qui boucle sur une astucieuse hypothèse de l’évolution inversée. Sympa !
