L'histoire :
Au crépuscule de sa vie, Marguerite, une petite mamie de 82 ans qui vit seule chez elle, a renoncé à fêter Noël en famille. Trop dangereux, trop fatiguant, trop peu raccord désormais avec cette « fête » qu’elle a mainte fois organisée pour ses enfants… Un petit coup de fil pour les rassurer sur sa quiétude suffira. En outre, à son âge, la plupart de ses ami(e)s sont décédés. Et puis cela lui évite de mettre un pied dehors, dans cette neige glacée. Finalement, rester seule et cloitrée chez elle ne la dérange pas. Elle se réjouit d’ailleurs du chouette programme télé que les chaines ont organisé pour cette soirée spéciale. Le livreur de surgelés lui a apporté sa barquette de repas spécial Noël ; avec une petite bouteille de champagne, ce sera parfait. Pour se simplifier la vie, elle conserve même accrochée la couronne de Noël à sa fenêtre tout au long de l’année. Quant à la messe de minuit… elle estime avoir assisté à suffisamment de ces célébrations sur la nativité pour se permettre de ne pas y aller. Toutefois, ce soir, un événement imprévu va venir perturber la tranquillité de la soirée de Marguerite…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le Noël de Marguerite n’est pas strictement une bande dessinée, dans le sens où vous ne croiserez ici ni découpage de planche complexe, ni phylactère. Il s’agit plutôt d’un court récit composé de paragraphes et de phrases courtes, illustrés par des dessins pleines pages… ce qui s’apparente aussi, dans une certaine mesure, au 9ème art. Les auteurs India Desjardin (aux textes) et Pascal Blanchet (aux dessins) font le portrait juste et touchant d’une condition fortement répandue dans notre XXIème siècle vieillissant : la personne âgée esseulée chez elle. Néanmoins, cette histoire n’est ni triste, ni pathétique. Elle dépeint une normalité sociale réelle, un état d’âme naturel chez les personnes âgées qui attendent de s’éteindre, sans se précipiter, avec la sérénité du devoir accompli. Dans ce contexte, les petits moments de bonheur passent par la tranquillité absolue, les programmes doucereux de la télévision et un chouilla d’effort dans le maigre repas qu’on s’accorde, histoire de dire. On a tous croisé cet état d’esprit chez nos petits vieux, pour reconnaître que ce portrait est d’une grande justesse. Un petit événement viendra, certes, à peine, perturber la platitude de cet encéphalogramme festif et rappeler que le partage reste une belle valeur morale… (spoiler), mais sans bouleverser le rythme lent de ce portrait, ni l’intention primale : c’est bien l’exacte représentation du repli sur soi qui forme le cœur du sujet. Dans ce sens, la douceur du dessin stylisé et velouté de Blanchet, qui trouve le zest de griffe vintage ad hoc, à travers le décor kitsch, les angles de prises de vues (les distances s’alternent aux plongées) ou les couleurs passées, sans contours de forme, s’avère parfaitement dans le ton. Cet album édité par les québécoises éditions de la Pastèque rend un bel hommage à nos ainés et rappelle qu’un simple petit coup de fil à leur égard n’est jamais de trop.