L'histoire :
A la fin des années 50, Aline est une jeune secrétaire de direction au sein d’un notoire commerce parisien de lingerie fine, « Divine de Paris », au 14 du boulevard Valentin. Ce matin d’hiver enneigé, elle se rend au travail à pied en compagnie de son amie vendeuse, Brigitte Bénichot. Brigitte n’est pas fute-fute, mais elle convient parfaitement à ce poste, étant donné sa poitrine généreuse. Elles saluent en se moquant les gens du tramway, puis les mannequins en plastique de la vitrine, puis la vendeuse en chef, madame Ledoyen. Enfin, Aline arrive dans son bureau de l’arrière-boutique, après avoir encore salué le vieux manutentionnaire Mr Garnier (souvent bougon), la femme de ménage Ève (qui a un pois chiche dans la tête) et le dessinateur des collections Augustin (qui en pince sévèrement pour elle). Ce jour-là, le patron, l’élégant et exigeant Monsieur Séraphin, fils du fondateur de Divine, arrive en colère. Sa livraison de la nouvelle collection Printemps-Eté est en retard. Et pour cause, le camion qui devait le livrer depuis la Belgique a eu un accident en voulant éviter un Gille de Binche (un personnage de carnaval emplumé, de Wallonie) qui se trouvait au milieu de la chaussée ! Monsieur Séraphin envoie aussitôt Garnier à Binche pour qu’il débrouille l’affaire. Puis il râle sur Eve qui est venue travailler avec son fiston de 5 ans. Aline entend la fureur souffler derrière elle. Puis lorsque la colère semble être retombée, elle se rend aux toilettes. Elle pousse la porte qui n’était pas fermée, alors même que Monsieur Séraphin est en train de faire la grosse commission. Or dans cette seconde de surprise qui semble durer des siècles, Aline voit ce qu’elle n’aurait jamais dû voir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Impossible de faire une analyse de ce nouvelle album scénarisé par le réputé Zidrou et dessiné par le non moins talentueux Paul Salomone, sans en divulgâcher le sujet principal, qui n’est pas vraiment les fruits de mer. Si vous souhaitez conserver la surprise, arrêtez immédiatement la lecture de cette chronique. Lisez-en une autre, vous n’êtes pas à l’abri d’une bonne surprise. Voilà. On y vient. Le sujet central de la Crevette est… les micro-pénis. Hé oui, le médium bande-dessinée est décidément capable de « focaliser » sur beaucoup de tabous. Embarrassant et délicat pour les garçons, le propos est d’autant plus réjouissant qu’il parait en pied de nez en pleine vague masculiniste régressive. Ce roman graphique en one-shot est servi par un dessin semi-réaliste et aquarellé en couleurs directes délicieusement désuètes. Une jeune et jolie salariée d’une boutique de lingerie fine, elle-même peu gâtée par la nature au niveau de la poitrine, découvre par inadvertance le micro-pénis de son redoutable et dirigiste patron. Ce dernier va-t-il la licencier pour un prétexte, afin d’éviter d’affronter désormais son regard moqueur ? La connaissance de ce handicap esthétique et complexifiant va-t-elle fuiter ? Comment Aline pourra-t-elle vivre avec ce « secret » embarrassant (étant donné le métier…), alors qu’elle est elle-même affligée d’un complexe physique ? C’est ce que vous découvrirez en lisant cette chronique sociale truculente et proche du Vaudeville (on ne va pas tout divulgâcher quand même). Délicieux et soignés, les dialogues et les situations évitent l’écueil du grivois ou des habituelles vannes de comptoir, pour conserver un maximum de poésie et d’ambiance feel-good.
