L'histoire :
En tentant de découper des morceaux de cuivre pour les revendre au poids, une petite dame munie d'une pioche a fait tomber le réseau d'un pays tout entier, en mars 2011. Tout comme les requins semblent friands des câbles qui traversent les océans pour relier les continents. Malgré la notion de cloud, il faut effectivement bien autre chose que de petits nuages pour transporter les données que plus de trois milliards de connectés consultent ou s'échangent chaque jour. Et nous dépendons tellement de ces immenses fils qui relient les continents... Tout a commencé à la fin des années 60, lorsque quatre universités américaines ont décidé de connecter leurs ordinateurs ensemble. Il faudra des années pour que l'idée prenne de l'ampleur, que le monde de la recherche, puis celui de la défense, développent l'idée, établissent les protocoles Internet avec les premières adresses IP, et les premiers protocoles de transfert. Pour parvenir au monde virtuel d'aujourd'hui, il a fallu bien des échecs retentissants, dont les noms presque disparus des mémoires avaient pourtant suscité l'admiration. Netscape, Altavista et bien d'autres ont été les précurseurs des systèmes qui nous permettent aujourd'hui d'accéder au réseau ou de s'y promener. Et la naïveté éventuelle des débuts a bien entendu laissé place aux plus formidables enjeux de soft power.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En débutant leur petit bouquin par la grand-mère géorgienne maladroite qui avait privé d'internet l'Arménie entière en coupant un câble mal enterré, les auteurs donnent le ton d'un livre didactique qui insiste beaucoup sur la fragilité du net. Les nombreux exemples font réfléchir sur notre dépendance à cet outil, et la manière dont nous oublions parfois jusqu'à son existence derrière nos activités en ligne. Il est épatant de découvrir une histoire de l'invention d'Internet et d'avoir l'impression d'apprendre tellement de choses, alors que tout cela ne remonte qu'à quelques années, finalement. La grand-mère bougonne avec sa mine renfrognée parcourt le livre accompagnée de son précieux bout de câble, et tout nous est raconté de manière légère mais très détaillée. Jean-Noel Lafargue et Mathieu Burniat nous expliquent ainsi tout des protocoles TCP, IP, rectifient le sens du mot web, et élargissent leur propos vers l'hyperpuissance des fournisseurs de contenus. Bourré d'infos intéressantes, le livre ne révolutionne pas le genre de la Petite Bédéthèque : des illustrations humoristiques pour illustrer des textes précis et didactiques. Pas de surprise de ce côté-là, en revanche une belle leçon d'humilité pour ceux qui pensaient que le net était un espace de liberté dont ils maîtrisaient les limites. Que nous pouvons être naïfs, quand même...