L'histoire :
Réfléchissons une seconde : si on ne croit pas en Dieu et que la vie semble absurde, qu’est-ce qui fait qu’on continue, malgré tout, à vouloir vivre ? Ne serait-ce pas, par hasard, l’objectif du sentiment amoureux ? Icelui capable de rendre ivre de bonheur ou fou de désespoir ? Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’amour inspire autant de romanciers, chanteurs, philosophes, gourous, cinéastes… Partant de là, jouons les ethnologues de la vie urbaine occidentale, observons un couple dans sa quotidienneté. Parlons ameublement, météo, plat du jour, causons des problèmes de couple de notre entourage, comme pour exorciser l’éventualité des nôtres. Car un chagrin d’amour est quasiment toujours un séisme, du moins pour une moitié du couple. Mais pourquoi donc ? Est- il impossible de considérer la rupture comme un simple paramètre technique, la porte immédiatement ouverte vers une nouvelle vie ? Le « système » capitaliste serait-il impliqué ? L’adultère est-il plus excitant lorsqu’il est interdit par convention ? Quoi qu’il en soit, la rupture semble obéir à des passages obligés : sidération, dépression, vaines reconquêtes, vexations, généralisations foireuses, espérances inutiles, éternelles discussions…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Certains vivent tout seul. D’autres, plus rares, s’essaient à la vie à trois (voire plus si affinités). Il faut toutefois reconnaître que l’immense majorité des gens pratiquent La vie à deux, sous une forme ou sous une autre. Mais pourquoi donc ? La démarche est d’emblée expliquée comme un axiome : parce que c’est l’Amour (avec un grand A) qui fait supporter la vie. Partant de là, selon la stricte même recette utilisée pour Cœur Glacé en 2015 (pour décortiquer le bonheur), Gil Dal et Johann de Moor décryptent donc cette fois le concept du « couple d’aujourd’hui dans notre monde occidental ». Ils l’abordent sous ses aspects sociaux, psychologiques, philosophiques, historiques, s’appuyant parfois sur des citations et sans se départir d’un humour cynique idoine. Ils illustrent leur propos de courtes séquences BD ou de dessins autonomes, dans des styles graphiques variés et adaptés, ponctués par des dialogues aussi décalés que bidonnants. Souvent balancés aux feutres ou aux crayons de couleurs, ces séquences patchwork empruntent la plupart du temps à la culture mainstream, bien plus parlante que toutes les autres. Les réflexions sont souvent pleines de bon sens, et les biais pour les dérouler, bien sentis. Cependant, au fil des pages tournées, le sujet de La vie à deux dérive clairement plus vers la problématique de la séparation du couple, que vers les secrets de son harmonie. En gros, pourquoi rompre est-il si douloureux et comment faire pour que ça ne soit pas un tel poids ? Ça sent le vécu… Ainsi, il aurait été plus juste de titrer l’album « La rupture tranquille », si ce terme n’avait point évoqué tout autre chose. N’en déplaise, même s’il avance ses idées dans une organisation un peu foutoir, cet album est tout à la fois intéressant, délassant, propice aux réflexions intimes et peut-être support psychothérapique…